mardi 23 mai 2017

S21 et Killing Fields, la sauvagerie des Khmers Rouges

Par respect pour toutes les victimes de la sauvagerie des Khmers Rouges, je n’ai pas inclus le récit de ces visites dans le cycle normal de mes récits car ce ne sont pas des lieux « intéressants à voir », mais ce sont des lieux de pèlerinage, de recueillement à faire absolument en mémoire des millions de victimes innocentes. Si les adultes étaient innocents, il n’y avait pas plus innocents que les enfants et bébés qui y sont passés. Comme les anciens camps de concentration nazis, ces lieux sont difficiles à visiter. Il faut le faire absolument en écoutant les audio-guides car ils sont très bien faits et on ne peut s’imprégner de l’ambiance et comprendre les lieux qu’en les écoutant. On ne sort pas indifférent de ce parcours. Pour ne pas tout mélanger, j’ai donc consacré une journée à ce pèlerinage.
Tuol Sleng, plus connu sous le nom de camp S-21 est un lycée construit en 1962 avec l’aide de la France, transformé en prison secrète (S) la plus terrifiante du Cambodge des Khmers Rouges entre 1975 et 1979. Près de 20 000 personnes dont 2000 enfants y sont passés subissant les pires tortures pour « avouer » avant d’être exterminés à Choeung Ek. 
Les gens qui vivaient autour ne savaient pas ce qui s’y passait car le camp était entouré d’un no-man’s land clôturé d’une haute palissade tôlée. La palissade existante n'était pas à son emplacement actuel, mais plus loin pour éloigner les curieux.
Ce ne fut pas le seul lieu de ce type, mais tristement emblématique et aisément accessible car en ville, il a été conservé et transformé en lieu de mémoire. C’était un centre de purge des propres cadres des Khmers Rouges et des potentiels opposants au régime. 
A la libération de la ville, les soldats Vietnamiens qui ont découvert le camp ont retrouvé quatorze cadavres et seuls douze prisonniers dont cinq enfants ont été retrouvés vivants. Tous les autres avaient été emmenés et éliminés à Choeung Ek, les Killing Fields.
Sous une chaleur étouffante, on parcourt les salles des anciennes classes pour découvrir dans un style très simple et dépouillé les conditions d’incarcération des victimes. C’est dans le premier bâtiment, le bâtiment A que les prisonniers étaient torturés plusieurs heures d’affilées, plusieurs fois par jour, de jour comme de nuit, jusqu’à ce qu’ils avouent leurs « crimes ». Ils étaient maintenus en vie et ranimés pour arriver à leur « confession ». S’ils venaient à décéder en cours de torture, c’était un échec pour les bourreaux qui pouvaient alors en subir eux-mêmes les conséquences. Les aveux étant faits et signés, l’issue était immanquablement l’extermination. Ce camp était dirigé par le fameux Duch, ancien prof de maths qui avec sa maniaquerie du travail bien fait, faisait tout consigner. Avant de quitter le camp, les Khmers Rouges ont tenté de détruire les archives, mais il n’ont pas réussi à tout éliminer, ce qui a permis d’identifier une partie des victimes qui sont passées par ce camp.
Les quatorze victimes retrouvées ont été enterrées dans la cour d’entrée, en souvenir de tous ceux qui sont passés par là, 
et un mémorial avec tous les noms des victimes a été érigé dans la seconde cour. 
Un panneau d’une clarté édifiante énumère les dix règlements en vigueur à l’époque. 
Le portique de gymnastique du lycée a été transformé en potence de torture.
Le bâtiment B a été transformé en mémorial avec ses panneaux alignant à l’infini les photos des victimes. Les « suspects » étaient photographiés dès leur arrivée. Arrêtés avec toute leur  famille, on y trouve aussi les photos de tout jeunes enfants.
Le bâtiment C a été conservé en l’état. Les balcons ont été fermés par des grillages en fils de fer barbelés pour empêcher les suicides 
et les salles de classe on été partagées à la hâte en petites cellules par des cloisons de brique 
ou de bois. 
Les prisonniers étant entravés par une barre de  fer fixée au sol, une simple boîte de munition servant de pot de chambre.
Dans le bâtiment D, les cloisons ont été enlevées pour transformer les salles en exposition où les instruments de torture sont exposés, 
les photos des survivants dont Vann Nath, un peintre qui a peint des  tableaux montrant la vie des prisonniers et les tortures. 
Sur de  grands panneaux sont exposées les cartes montrant les migrations forcées, les sites de massacres, des photos de la vie dans les campagnes et les villes désertées, les destructions de bâtiments colonialistes, etc….  
Aux étages suivants, des panneaux présentent les principaux cadres responsables de ces massacres, des photos de quelques khmers rouges pendant la période et maintenant après avoir retrouvé une vie normale ainsi que leur témoignage.
Quand les prisonniers avaient avoué, les aveux étaient présentés à Duch qui alors signait l’ordre d’exécution. Les prisonniers étaient alors emmenés en camions bâchés vers « un autre camp » qui était en fait Chuoeung Ek, le lieu d’exécution.
Situé à 15km à l’extérieur de la ville de Phnom Penh, ce lieu a aussi été transformé en mémorial.
Ancien verger et ancien cimetière chinois dont on en voit encore des restes. Il a été rendu célèbre par le film « la déchirure ». Les Khmers Rouges y massacraient et enterraient leurs victimes. On a identifié plus de 129 fosses communes, seules 90 ont été relevées permettant de retrouver les os de près de 9000 personnes soit moins de la moitié du nombre de victimes estimées. Lors du relevage, les restes on été étudiés par des médecins légistes pour identifier les manières dont été exécutées les victimes. 
Les balles coûtant trop cher, elles ont été tuées à l’aide de barres de fer, de masses, de hachoirs, de hache, de pioche 
ou égorgée avec une branche de palmier….. 
et le plus horrible, les bébés étaient fracassés contre un arbre devant leur mère avant leur exécution. Cet arbre, le « Killing Tree » est couvert de petits bracelets de couleurs.
Là aussi, il est indispensable de prendre l’audio-guide, très bien fait pour bien s’imprégner de l’ambiance du lieu et de se recueillir. 
Le parcours débute par le lieu de débarquement des camions, puis le lieu d’attente avant exécution, le bureau des exécuteurs, le stockage des matériels et des produits 
puis il se poursuit par la zone des fosses communes.
Une fosse a été découverte avec des corps sans tête, ce sont des Khmers Rouges ayant fait l’objet de purges et accusés d’être des espions à la solde des vietnamiens : « tête de viets, corps de cambodgiens ». 
Un étang paisible n’est en fait qu’une immense fosse dans laquelle reposent encore des milliers de victimes. Ils ont arrêté de relever les restes et les laissent en place car  il n’y a plus de place dans le mémorial qui a été construit. 
Des passerelles ont été construites pour éviter de marcher sur des restes humains car régulièrement, surtout à la saison des pluies, 
des morceaux de vêtements ou des os remontent à la surface. 
Les gardiens font régulièrement le tour du site pour les ramasser et les mettre dans des urnes. On y voit entre autre des vêtements d’enfants…. 
Vers la fin du parcours, on voit l’arbre « magique », un arbre où des haut-parleurs étaient accrochés diffusant des chants révolutionnaires pour couvrir les cris des victimes.
Puis on passe par le mémorial en forme de stupa ou l’on peut se recueillir 
et dans lequel dans des vitrines sont entassés des milliers de crânes sur lesquels sont identifiés les modes d’exécution. En-dessous, un tas de guenilles retrouvées lors des relevages.
En toute fin de parcours, un petit musée présente le Kampuchéa Démocratique et ses dirigeants dont certains sont encore en procès, quelques uniformes et des fiches signalétiques de prisonniers.
J’ai appris par ailleurs que les procès s’éternisent parce que certains dirigeants actuels, dont Hun Sen, sont impliqués, mais surtout, le Vietnam est impliqué. En effet, les Khmers Rouges avaient été formés par les Communistes Vietnamiens avec comme but de décapiter le pays afin de pouvoir le coloniser et créer une grande entité sous leur coupe. Quand Pol Pot a été arrêté, il a été mis en accusation par ses anciens compagnons. Mis en résidence surveillée, il meurt curieusement et est incinéré avant de pouvoir révéler des vérités. Les Vietnamiens ont libéré le Cambodge car ils ne maîtrisaient plus les Khmers Rouges, mais après onze ans de présence pendant lesquels ils ont pillés les richesses du pays, ils continuent à le diriger en sous-main, verrouillant le gouvernement et les postes clés.

Le gouvernement actuel, apparemment démocratique est en fait une dictature communiste déguisée et l’opposition est difficile et dangereuse. L’opposition actuelle a dû se résoudre à émigrer. 
J’ai assisté à des défilés en vue d’élections municipales à Kampong Cham dont le maire et gouverneur n’est autre que le propre frère de Hun Sen. Très curieusement, le défilé de l’opposition était exsangue mais très motivé, les opposants n’osant pas défiler par peur de représailles à posteriori, quant au défilé du parti au pouvoir, il y avait une foule immense, mais avec des têtes de cent pieds de long, des gens semblant s’em… souverainement, non motivés. 
Ce sont parfois des membres de l’opposition qui en font partie, car s’ils n’y allaient pas, ils feraient l’objet de représailles par la suite. D’autre part, les participants du défilé sont payés et le carburant de leur véhicule est payé, car ces défilés se font en moto ou voiture. Rien qu’à voir la tête de ces gens, ont sent tout de suite que quelque chose ne tourne pas rond. Les premiers sont soutenus et encouragés par les passants, les seconds passent dans l’indifférence la plus totale.

Album photos du S-21 et du Killing Fields:


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