lundi 7 décembre 2009

Penang, "perle de l'Orient".

Kathmandou Penang décalage horaire + 2H15
Besançon Penang +7h

Quand j'ai pris mon billet d'avion pour Penang, Sonam m'a vivement déconseillé de prendre la compagnie "Royal Nepal" ou Népal Air car les avions sont de vieux Tupolev de l'armée russe reconvertis en avions de ligne. Le confort y est très rudimentaire et la sécurité peu assurée. Le billet a donc été pris avec Thaï Airlines. C'est une belle compagnie, les avions sont confortables, les hôtesses jeunes et superbes, le service est le meilleur que j'ai eu jusqu'à maintenant: apéritif avec amuse-gueules et boisson, excellent repas. A l'arrivée, distribution d'orchidées violettes, emblèmes de la compagnie. J'ai eu un changement à Bangkok en Thaïlande. Un très bel aéroport ultra-moderne. Toutes les portes d'accés aux embarquements sont le long d'un grand hall tout droit de plusieurs kilomètres de long. Les différentes portes sont heureusement reliées par des tapis roulants.

Comme dans mon message, je n'avais pas précisé à mon amie malaisienne, Ann Nah, à quel aéroport j'arrivais, (Penang ou Kuala Lumpur?), il n'y avait personne à mon arrivée. Pour moi, comme elle habitait Penang, c'était évident. Comme quoi il vaut mieux être précis! Ann nah est donc venue me chercher avec sa soeur, puis elle m'emmène manger quelque chose avant de rejoindre l'appartement. En Malaisie, il y a un peu partout des gargottes où l'on peut manger. C'est ouvert jusque très tard dans la nuit. Heureusement pour moi car il est déjà 2h du matin. N'etant pas en congé et ne pouvant m'accueillir chez elle, Ann Nah m'a installé dans un appartement qui appartient à sa soeur et qui est à vendre. J'ai eu de la chance, il était encore disponible. J'ai donc à ma disposition un petit appartement de quatre pièces au neuvième étage d'un immeuble situé à dix minutes de l'embarcadère des ferries. Partiellement meublé, j'ai tout ce qu'il me faut pour être autonome. C'est super!

Le samedi matin, Ann Nah vient me chercher vers 10h30 et nous allons chercher sa soeur. Nous allons tous ensemble faire un tour dans Butterworth et en fin de matinée, la soeur d'Ann Nah nous emmène dans un restaurant indien manger des spécialités indiennes. Fort de mon expérience népalaise, je demande "no spicy, no chile". Pour eux ce n'est pas épicé, mais pour moi c'est un peu "hot". Je découvre quand même cette façon de manger et des plats très parfumés. La spécialité de ce restaurant, ce sont les "pains": pâtes à pain diverses cuites de façons diverses, dont une en feuille très fine, et accompagnés de sauces. J'assiste à la façon de faire la pâte fine: les italiens avec leur pâte à pizza qu'ils font tourner sont des rigolos à côté de l'artiste que j'ai vu! Il fait une feuille de papier à cigarette en un tour de main, en l'air! Nous allons ensuite prendre un dessert typiquement malais: de la neige parfumée. Ils prennent un de bloc de glace, ils le rappent pour en faire de la neige qu'ils parfument avec des sirops et rajoutent du maîs sucré des algues sucrées, de la gelée de je ne sais quoi, etc... C'est frais et bon, mais curieux.

Ann Nah et sa soeur m'emmènent ensuite dans un magasin de "bon dieuseries chinoises". Elles veulent me montrer et m'expliquer un peu leur pratiques bouddhistes. Nous allons donc dans un magasin qui vend des articles pour les cérémonies bouddhiques. Il y a de l'encens bien sûr, mais surtout des représentations de dieux et de bouddhas. Comme j'y perd mon "chinois", Ann Nah m'explique que chez les chinois, chacun se fait son petit temple familial avec une représentation d'un dieu que l'on invite en fonction de l'intention que l'on a. Ensuite, en fonction des évènements de la vie, on fait des offrandes particulières ou on invite d'autres dieux.... J'en apprends beaucoup, mais j'admire surtout la finesse des sculptures ou des peintures. C'est cet art de la miniature que j'admirerai tout au long de mon séjour. Certains dieux sont amusants à voir et il y en a un en particulier, un petit bouddha bien dodu et très réjoui que j'aime beaucoup et que je verrai souvent dans les temples. Afin d'organiser ma vie à Butterworth, nous allons ensuite dans un grand centre commercial où je fais quelques emplêtes pour les petits déjeuners. J'achète aussi une carte de la région.

Le lendemain dimanche, Ann Nah n'étant pas disponible, je vais commencer à visiter Penang. Je rejoins donc à pied l'embarcadère des ferries. La traversée coûte 1,20 Ringit Malaisienne soit 0,24 euros. çà va, je ne vais pas me ruiner! La traversée dure environ quinze minutes. L'attente entre les différents bacs est très courte car leur principe de fonctionnement est assez rapide. Il y a plusieurs bacs en fonctionnement en même temps, ce qui fait qu'un bac libère le quai dès qu'un autre bac arrive. De plus, leur principe d'accostage est astucieux, ils viennent s'emboîter dans un quai en butée avant et latérale, les moteurs maintenant la poussée, ils n'ont donc pas besoin d'amarer le bateau. L'accostage et le départ est donc très rapide. A l'arrivée, je me dirige à pied vers le fort Cornwallis pour le visiter, mais c'est fermé le dimanche. Un trishaw, cyclo-pousse, me propose ses services. Finalement pendant trois heures, il va me promener et me faire voir les monuments les plus intéressants.

L'histoire de Penang commence vraiment au 18° siècle quand en 1786 le capitaine Francis Light de la compagnie anglaise des Indes orientales débarque et installe une base navale après avoir négocié avec le sultan du Kedah, région à qui appartenanit l'île. Le capitaine Light rebaptise l'île au nom de George III, le souverain britanique de l'époque. Furieux de cette initiative, le sultan tenta en vain de chasser les anglais, mais ses 10 000 hommes n'étaient pas de taille à affronter les anglais. Un traité est donc signé en 1791, et les britanniques reversent une subvention au sultan en échange de l'occupation de l'île. Alors que l'île était inoccupée jusque là, très rapidement une vie s'organise et l'économie florissante due en particulier à l'exploitation de mines d'étain attire chinois et indiens en plus des britanniques.

Les premiers arrivants vont se mêler, mais par la suite les différentes cultures vont plutôt cohabiter en conservant leurs propres traditions. Le mélange va créer ce qu'ils appelent la culture Nyonia qui est essentiellement chinoise et malaise. Tous les monuments visités vont donc souligner cette cohabitation et cette différenciation. Cette situation persiste encore aujourd'hui. Les malais, essentiellement musulmans, tiennent les postes essentiels de l'administration et les chinois et les indiens sont plutôt oreintés vers les affaires. Les habitants ont donc l'habitude de parler plusieurs langues en les mélant parfois. C'est ainsi qu'Ann Nah parle bien sûr le malais qui est la langue officielle, l'anglais qui est la langue des affaires, le mandarin et le cantonnais qui sont les deux langues chinoises pratiquées dans le pays. En plus, elle parle maintenant le français, ce que j'apprécie beaucoup car elle me facilitera la tâche bien que j'ai fait beaucoup de progrès en anglais. Mais il y a encore beaucoup à faire! Il y a des écoles dans chaque culture avec chacune leurs spécificités et pour les universités il y a des universités mixtes comme des universités uniquement malaises. Comme les malais sont moins doués pour les études que les chinois et les indiens, il y a des cotas obligatoires quels que soient les niveaux. Les enfants ne sont donc jamais sûrs d'être pris en université même s'ils sont bons.

Au cours de mes promenades dans Georgetown j'ai donc visité de nombreux lieux de culte car c'est ce qu'il y a de mieux à visiter: bouddhistes chinois, indouhistes indiens, mosquée musulmanne. Les plus beaux monuments sont incontestablement les temples chinois. Leurs toits caractéristiques avec les coins relevés sont repérables de loin. J'ai admiré les tuiles de couleurs vernies, les dragons facétieux ornants les coins et la faîtière, les petits théâtres de vie parsemant les toits et enfin les frises de porcelaine colorées soulignant les fâitières. Les décors intérieurs présentent un luxe de détails et de finesse qui m'ont souvent laissé admiratif. Que ce soit les charpentes très travaillées et assemblées uniquement pas tenons et mortaise sans clous ni vis, les peintures, les piliers sculptés, les panneaux muraux en reliefs. On ne se lasse pas de regarder tous les détails. Les chinois réalisent avec une admirable maîtrise la sculpture de tableaux en trois dimensions. Ces sculptures sont si fines que l'on dirait de la dentelle.

Quand les chinois sont venus s'installer à Penang, il ont pratiqué le principe des clans. Une famille s'installe, lance son commerce et accueille les autres membres de la famille qui arrive ensuite en lui fournissant un logement, une école pour les enfants, un travail, etc... Pendant un an, le nouvel arrivant est totalement redevable à son protecteur et lui reverse tout son salaire en échange de cette protection, à l'issue il est libre de rester ou de partir. A Penang, il y a comme cela plusieurs maisons de clans qui fonctionnent toujours. Cela constitue un véritable quartier où l'on trouve, le temple, les maisons, les commerces. On peu ainsi visiter la maison du clan Khoo Kongsi dont la généalogie remonte à plus de 1000 ans! Chaque pâté de maison du quartier chinois a pratiquement son ou ses temples. Le Yap temple, Goddess of Mercy temple, King Street Temple, Carpenters Guild, Golsmiths guild, Chea Kongsi, etc.... Kongsi étant le terme désignant le clan.

Nous faisons un tour à la mosquée la plus ancienne, la Kapitan Keling Mosque. Elle est belle de par ses lignes épurées, mais n'a pas de cachet particulier. Aucune des mosquées de Penang d'ailleurs n'a vraiment d'intérêt. Elles sont très simples. Les églises et temples protestants sont aussi très simples et tous fermés sauf au moment des offices. Je ne visiterai donc qu'une église, la "cathédrale" le dimanche en suivant la messe. De "cathédrale", elle n'en a que le titre car le bâtiment est très simple, sans décor.

La Pinang Peranakan Mansion et la Cheong Fatt Tze Mansion sont des demeures de riches familles chinoises. Elles permettent de voir quel est leur mode de vie. Ces maisons sont construites autour d'un patio central sur lequel donnent les pièces principales, complètement ouvertes sur le patio. Cela amène fraîcheur et lumière tout en conservant l'intimité de la famille au regard du monde extérieur. Une pièce d'accueil des visiteurs les maintient en dehors de ce monde et ils ne peuvent pénétrer ce monde que s'ils sont invités à franchir une cloison de bois finement sculptées de figures allégoriques. Ces maisons sont richement décorées de meubles, peintures, tapisseries, boiseries de toute beauté. Or, soie, nâcre et bois précieux se mèlent dans une harmonie typique mais fine et délicate.

Au détour de ruelles, on tombe parfois sur des temples indhouistes tel que le Sri Mahamariamman Temple. Le style des temples indiens est totalement différent des temples chinois. Ils présentent tous des toitures en pyramides surchargées de bonhommes bien rondouillards et tout roses, de jolies femmes en costumes au milieu de dieux à tête d'éléphant, de corps à plusieurs bras, de couleur verte, etc.... Lors de la visite de ce temple, un officiant, au ventre bien rebondi comme les petits bonhommes sculptés m'a gentiment offert et administré la bénédiction de shiva (le point rouge entre les deux yeux), ... puis m'a demandé une donation de 2 roupies!

Le soir approchant, je rejoins la jetty en vue de reprendre le ferry. J'avise une galerie où de nombreux convives sont attablés. La galerie se résume à un toit de hangar sous lequel en périphérie, des chinois, des thaïs, des indiens, des malais, etc... préparent quelques plats, ils ont chacun une petite alvéole pour leurs préparations. Au centre, des tables sont disposées pour les clients. L'avantage de ces galeries, c'est que sur une petite surface on a un choix assez varié de plats à consommer. Quand on ne connaît pas bien la cuisine asiatique, c'est mieux que toutes les petites échoppes disséminées. Il suffit d'aller choisir et demander son plat à chaque cuisinier. Une serveuse se promène dans la salle pour offrir à boire. Les coûts de ces plats sont si bon marché que l'on comprend pourquoi il y a tant de clients. Comme me le disait Ann nah, les malais cuisinent peu chez eux, ils préfèrent manger dehors ou acheter des plats tout faits et les manger chez eux. Pour 5 à 10 ringits (soit 1 à 2€), on a deux plats copieux et très bons. Si je vivais dans un tel pays, je ne cuisinerais jamais! Mais je n'oublie pas de préciser "no spicy, no chile"! Car sinon ... bonjour les épices! Je serai d'ailleurs repéré par certains cuisiniers ou serveuses car quand je reviendrai, ils me préciseront tout de suite ce qui est épicé ou pas. Le retour sur Butterworth par le ferry s'est fait à la tombée du soir sous un ciel chargé et bruineux. Les couleurs du ciel sur Penang sont belles et chaudes comme le fond de l'air.

Le lendemain lundi, Ann Nah me rejoint et m'emmène visiter le temple des Neufs Empereurs qui est sur Butterworth. Un temple récent, mais splendide et chargé de sculptures, de gravures et de peintures toutes plus belles les unes que les autres. Je ne me lasse pas d'admirer tous les détails des décors. C'est un temple ou tous les ans, les cérémonies d'accueil des Neufs Empereurs de la mer, les dieux vénérés ici, donnent lieu à des manifestations particulières. Certains fidèles qui se sentent attirés par certaines grâces, vont manger végétarien pendant plusieurs jours, voire semaines auparavant, et après être entrés en transes, se donner à des mutilations volontaires comme se transpercer les joues avec des aiguilles ou des lances. Au cours de la visite, l'un deux était là et on voit les cicatrices dans ses joues. Il m'a montré les photos de la cérémonie et les barres qui ont traversé ses joues: des javelots de près de 3m de long et de 20 mm de diamètre au moins! Gulp! Les cérémonies durent plusieurs jours et nuits. Nous nous rendons ensuite dans un temple boudhiste Thaï beaucoup plus simple et épuré. Il jouxte un temple indien avec ses toits en pyramides décorés de petits bonshommes dodus et roses.


En repartant, nous avisons un vendeur de fruits. Nous stoppons et Ann Nah me fait goûter plusieurs fruits, à la grande satisfaction des marchands. Nous en achetons diverses sortes afin de les goûter à l'appartemment. Durant mon séjour, Ann Nah a eu à coeur de me faire découvrir la cuisine et les fruits typiques de son pays. J'ai découvert avec plaisir des saveurs que je ne connaissais pas et je suis devenu un pro des baguettes et des cuillères chinoises! Pour les plats, j'en ai tellement goutés que je ne saurais les énumérer. Quant aux fruits, j'ai découvert les rambutans rouges et jaunes, à la coque ressemblant aux bogues des marrons, au fruit blanc gélatineux ressemblant aux leechies mais plus goûteux; les Pulasans ou bua rambai (malais) qui ressemblent aux rambutans mais en plus fin; les mangoustines, fruits à coque rouge grenat mais à la chair blanche, tendre et délicatement parfumée; les duku lansat à la coque jaune qui se casse comme une coquille d'oeuf et renferme un fruit blanc gélatineux en quartiers au parfum lui aussi très délicat; le longan ou mata kucing (malais) qui ressemble au duku lansat mais au fruit rond comme un leechies et au parfum plus délicat; la nangka, fruit vert à la chair ressemblant un peu à la pomme; le jackfruit, gros fruit vert de plusieurs kilos qui renferme une multitude de quartiers jaunes très goûteux. Les dragons fruit qui n'ont aucun goût en France sont ici très fins et délicatement parfumés. Le ciku sert ici à faire des jus de fruit, mais cru il a une chair très sucrée avec un arrière goût caramélisé. Les mangues d'ici sont un régal, ce n'est pas comme en France où elles ont un goût de térébentine. Les melons d'eau, les annanas, les papayes, les bananes... Enfin, Ann Nah m'a fait goûter un fruit dont les malais rafolent et que la plupart des européens trouvent .... "dégueulasse": le durian. C'est un gros fruit vert qui renferme trois ou quatre graines blanches crémeuses avec chacune un noyau. Le goût est très particulier, difficile à définir. Très fort et tenace il est vite écoeurant mais je comprends que l'on puisse aimer. Pour ma part je préfère nettement tous les autres fruits. Le parfum est tellement tenace que le tupperware dans lequel on a mis les graines pour les conserver au frigidaire a gardé l'odeur même après l'avoir lavé plusieurs fois avec de la lessive. D'ailleurs il est interdit dans les hôtels comme les mangoustines qui tâchent et sont indélébiles. Je découvrirai encore d'autres fruits dont je ne me souviens plus les noms. Après le tour au marché Ann Nah m'emmène dans une galerie marchande où nous allons déjeuner dans un restaurant japonais.

Le mardi matin, Ann Nah ayant pris quelques jours de congé, nous partons pour Batu Ferringhi aux hôtels luxueux et aux plages magnifiques. Afin de profiter du cadre, nous dormirons dans un bel hôtel. La ferme des papillons que nous visitons est une grande serre où des papillons en liberté évoluent au milieu de superbes plantes exotiques. L'air est chaud et fortement humide comme dans les sous-bois des forêts de la région. Les papillons sont peu farouches et se posent sur nous comme sur de belles plantes! Il y a aussi de gros mille pattes 30 cm de long et gros comme le doigt, des scorpions malaisien de 20 cm de long, des tortues aligator aux machoires peu sympathiques, une tortue au nez de cochon amusante, des vipères, des grenouilles rocailles, d'autres animaux et insectes curieux. Tout cela évolue parmi des plantes superbes comme les orchidées et au-dessus de bassins où nagent des poissons "rouge" de tailles respectueuses. Une carpe devait faire plus d'un mètre de long.

Nous allons ensuite visiter une fabrique de batic, le fameux tissu aux motifs colorés et fabriqué manuellement. Avec des pochoirs métalliques, ils appliquent de la cire chaude sur le tissu en coton ou en soie, ce qui fait une barrière infranchissable, ils liaisonnent à la main et à la cire chaude les motifs, puis ils appliquent à la main ou par des bains les couleurs réalisées à base de produits naturels puis ils traitent pour les rendre indélébiles. Ils font fondre la cire par des bains très chauds et des lavages. Il en ressort des tissus aux couleurs magnifiques et aux motifs souvent très beaux. A partir de ces tissus ils réalisent des chemise, des robes, des nappes ou des foulards splendides.

Un petit tour à l'hôtel nous permet de profiter de la plage puis de la piscine pour nous rafraîchir. L'eau de la mer est si bonne que l'on a l'impression de se tremper dans une grande baignoire. Elle doit faire entre 24 et 30°C avec des courants de températures différentes qui se mêlent en permanence. Le soir nous allons dans un restaurant chinois manger des fruits de mer. Moi qui aime beaucoup cela je me régale. Au retour nous allons faire un tour dans un hôtel voisin qui fait boîte de nuit.

Le lendemain, nous continuons en faisant le tour de l'île. Au passage nous visitons la ferme des fruits, une exploitation fruitière où de nombreux fruits nous sont présentés. Des fruits souvent curieux et méconnus mais aux vertus diététiques voire médicinales très intéressantes. Au cours de ce séjour, j'ai découvert combien les chinois sont très portés sur la diététique avec les fruits, les légumes ou boisssons "qui refroidissent le corps ou réchauffent le corps", etc... La visite se termine par une dégustation libre de nombreux fruits. Je ne me prive pas, c'est tellement bon!

Nous poursuivons le tour par des villages malais et terminons en arrivant à Georgetown par le temple Kek Lok SI. Un immense complexe bouddhiste au sommet d'une colline avec plusieurs temples superbes, un monastère, une pagode et une statue d'une déesse qui domine la plaine. Ils sont en train de construire un dôme au-dessus de cette statue qui fait plus de quarante mètres de haut. Les piliers sont sculptés de dragon de plus de 70m de long. C'est superbe! Les visiteurs sont sollicités pour faire des dons pour la construction et des tuiles peuvent être offertes en les personnalisant. L'accés à la plate-forme de ce dernier temple se fait par l'intermédiaire d'un téléphérique qui traverse le monastère qui ne se visite pas.

Le jeudi matin, nous récupérons la soeur d'Ann Nah qui nous emmène au marché où nous achetons quelques fruits et mangeons quelques plats et desserts chinois comme des crèpes avec des cacahuètes. J'ai trouvé que les chinois mangeaient beaucoup moins sucré que les européens. Ils sont plus portés sur des saveurs complexes en mélant souvent sucré et salé. Ils mangent même les fruits avec des sauces pimentées ou relevées. Au milieu des stand de vêtements ou articles en tout genre, on trouve des stand de légumes, de fruits, de poisson, de viande et de plats cuisinés. c'est très coloré!

Comme le temps est dégagé, nous en profitons pour monter au sommet de l'île, Penang Hill à 830 m au-dessus de la mer. On y monte par un funiculaire à cable et voie unique très pentue. La vue est très belle sur l'île et la terre ferme de l'autre côté du bras de mer. Au sommet, quelques anciens hôtels et restaurants datant de l'occupation anglaise. L'un des hôtels aurait servi de cadre lors du tournage du film Indochine. Il y a aussi un temple indhou et une mosquée. En allant à Penang hill, Ann Nah me fait visiter le temple bouddhiste où elle vient souvent se recueillir. Il y a un bouddha couché et il est assez épuré tout en étant joliment décoré. Elle me montre aussi des maisons traditionnelles qui sont en cours de restauration. Les maisons traditionnelle de Penang sont très souvent conçues sur le même schéma. Un rez de chaussée sous arcades servant souvent de magasin, un premier étage servant d'appartement. Toutes les cellules sont séparées par un mur mitoyen et ont à peu près la même largeur. Les façades sont en stuc très décoré, des mosaïques réalisées avec de la porcelaine brisée orne les piliers et les frontons. C'est un art que pratique beaucoup les chinois. On le retrouve dans beaucoup de temple et de maisons. Ils réalisent ainsi de superbes fresques représentant des oiseaux, des fleurs, des scènes domestiques ou guerrières.

Le soir, nous allons manger dans une galerie près du grand centre commercial du Komtar. Avant le repas, nous visitons la galerie d'un sculpteur sur bois très expressif dans ses oeuvres. Elles sont magnifiques. A partir d'arbres morts, il représente des chevaux en plein effort, un vieillard pensif ou un dragon surgissant.

Les quatre jours suivant, Ann Nah n'étant pas disponible, j'en ai profité pour finir de visiter Georgetown et les environs. Le fort Cornwallis, tout petit fort, ne présente pas vraiment d'intérêt si ce n'est l'exposition présentant l'histoire de l'île. Le Darmikarama Burmese Temple est un temple bouddhiste avec des panneaux de bois sculptés en vrai dentelle. Il fait face au Wat Chaiya Mangkalaram, le temple du Bouddha couché qui abrite un bouddha de 33m couché. Ces deux temples, bien que bouddhistes ne sont pas du même style que les temples chinois. Ils sont très beaux mais totalement différents. Dans le temple Burmese, de nombreuses peintures racontent l'histoire du Bouddha.

Je me rends aussi au musée de la guerre qui est aménagé dans un ancien fort britannique devant protéger Penang. Il est sensé raconter la guerre contre les japonais dans cette région. Ils font beaucoup de publicité autour de ce musée, mais il ne présente pas vraiment d'intérêt. Les quelques "armes" qui sont présentées sont de vulgaires imitations à base de tubes de ferrailles grossièrement soudées. Quelques panneaux sont intéressants sur l'histoire, mais le prix d'entrée est exagéré pour ce qu'il y a à voir. De plus, pour s'y rendre, soit on prend un taxi, soit on prend le bus. Comme j'avais pris un passe touriste qui me donnait accés à tous les bus, j'y suis donc allé en bus. Mais pour aller à 30km de Georgetown, on a mis deux heures. Il faut dire que le bus a fait des tours, des détours, des contours et des tours de ... avant d'arriver. Il y a beaucoup de lignes de bus dans Penang, ce n'est pas trop mal desservi, mais c'est un vrai casse-tête chinois pour comprendre les lignes. D'ailleurs il n'y a pas de plan et quand on montre un plan à un chauffeur pour savoir s'il passe par un point, il est incapable de le dire, il ne sait pas lire les plans. Il connaît son chemin, point. Même au centre d'information ils sont incapables de dire quel bus il faut prendre. En général ils ne donnent qu'un numéro alors qu'il y a peut-être quatre ou cinq lignes qui passent. C'est un véritable imbroglio, un sac de noeuds. J'ai mis deux jours avant de repérer certaines lignes qui m'intéressaient.

Pour le retour du musée, j'ai eu la chance de tomber sur un jeune couple en voiture qui passaient par Goergetown. Ils m'ont vu marcher le long de la route en quête d'un arrêt de bus ou de taxi, ils m'ont demandé où j'allais et m'ont proposé de me déposer. En une demie-heure, j'étais à destination! Je suis allé ensuite visiter le "temple de la consommation": le Komtar. C'est le plus haut immeuble de Penang. Dans les quatre premiers niveaux, ce sont d'immenses galeries marchandes où il y a plusieurs centaines de magasins petits et grands. C'est colossal! Comme il fait très chaud dehors, les malais aiment bien aller se promener dans les galeries marchandes où l'air est climatisé, et .... ils font des achats!

Le lundi, dernier jour seul, j'en ai profité pour mettre à jour mes récits sur le blog. Dans l'appartement, j'avais trouvé que dans le coin près de la fenêtre du salon, j'avais une liaison internet. J'en ai donc profité. Cela m'évite d'aller dans un cyber café.

Les deux jours suivants, Ann Nah m'a emmené à l'intérieur des terres, à Ipoh. Sur le chemin, nous avons visité le zoo de Taiping où nous avons vu quelques espèces spécifiques de la région évoluant dans un parc à la végétation luxuriante. Dans le parc du lac de Taiping, des arbres magnifiques et certainement centenaires ombragent les allées avec des branches qui passent par dessus la route pour venir plonger dans les eaux du lac de l'autre côté. Ce parc est magnifique. Le soir, nous sommes allés manger dans un restaurant dont la spécialité est le poulet. J'ai mangé des pattes de poulet! C'est bon, un peu caramélisé, très tendre. Bien sûr, il n'y a pas grand-chose à manger, mais c'est bon et amusant.

A Ipoh, j'ai découvert une spécialité chinoise: les Dim Sum. Ce sont des amuse-gueules salés ou sucrés, très prisés par les chinois. On va dans un restaurant où des serveuses passent entre les tables avec des plats très divers et en petite quantité. Il suffit de lui demander telle ou telle spécialité. Immaginez que vous êtes dans un salon de thé et que des serveuses passent entre les tables avec des chariots chargés de petits fours, d'amuse-gueules, de patisseries diverses. C'est cela mais en salé essentiellement. On mange en buvant du thé servi à volonté. C'est très amusant et très bon. Attention, on ne mange qu'avec des baguettes!

Ipoh est construite dans une vallée où se dressent des pitons rocheux aux faces verticales. C'est très curieux. Contrairement à ce que l'on peut penser au premier coup d'oeil, ce ne sont pas des cheminées volcaniques. Plusieurs de ces pitons sont truffés de cavernes dans lesquels les hommes ont fait des aménagements et en particulier des temples. Nous sommes allés en visiter deux, les plus caractéristiques et les plus beaux. Un accés dans l'un deux permet d'aller au sommet du piton et d'avoir une vue sur la plaine alentour. Au coeur du premier piton, il y a un genre de patio avec un temple et un bassin avec des tortues. Les fidèles viennent leur donner à manger après des incantations au temple. Après la deuxième visite, nous avons bu une noix de coco. Un singe nous surveillait et nous enviait. A la fin, dès notre départ, il est venu plonger sa patte dans le coque pour récupérer les dernières miettes de chair. Lors de notre retour sur Butterworth, nous faisons un crochet dans Kuala Kangsar, la capitale royale de l'état du Perak, province du nord de la Malaisie. Une superbe mosquée y a été construite au début du XX° siècle. On dirait un palais des mille et une nuits.

En rentrant le soir, j'ai voulu inviter Ann Nah au restaurant pour la remercier de son accueil. Elle a choisi un restaurant japonais. C'est un restaurant où le cuisinier vient faire les préparations directement devant vous sur une table de cuisson. C'est succulent mais aussi spectaculaire. Le jeune qui est venu nous servir cuisinait très bien, et de plus, il jonglait avec ses instruments. Comme c'est spectaculaire, j'ai tout filmé.

Le lendemain jeudi, Ann Nah m'a emmené dans son bureau à l'université. Elle voulait profiter de mon passage pour enregistrer des prononciations françaises avec un vrai accent français. Nous avons donc passé la matinée à cela. Nous sommes ensuite allés mangé avec sa collègue chinoise dans un restaurant chinois. Nous y avons dégusté des fruits de mers. Comme boisson, nous avons pris du lait de soja. Le goût n'a rien à voir avec celui que l'on achète en brique en France. C'est extra. Comme dit Ann Nah, celui de France a un "goût de préservatif", pour dire un goût de conservateur! Nous sommes allés ensuite voir le temple aux serpents. c'est un temple où les serpents de la forêt voisine venaient sur l'autel renifler l'encens quand le temple était entouré de jungle. Maintenant il y a toujours des serpents, mais beaucoup moins et je pense qu'ils sont maintenus là pour les touristes.

Vendredi, dernier jour! Je l'ai passé à mettre de l'ordre dans l'appartement, puis je suis allé au temple de la consommation de Georgetown. Le soir nous sommes allés dans un nouveau restaurant avec Ann nah où les cuisiniers jonglent avec la pâte pour faire à la main des spaghettis ou des raviolis. Demain matin, un taxi commandé par Ann Nah viendra me chercher à 5h30 pour m'emmener à l'aéroport.

Pour rentrer sur Paris, je dois faire escale à Bahrain. Comme j'ai douze heure d'attente entre les deux avions, Gulf Air, la compagnie aérienne m'offre le dîner et une chambre d'hôtel. Une voiture m'emmène donc à l'hôtel au centre de Bahrain. Cela me permet d'avoir un petit aperçu sur ce pays très riche aux immeubles modernes. Deux tours font penser aux Twin towers, elles s'appellent d'ailleurs World Trade Center. Près de l'hôtel, un magasin de bijouteries et souvenirs pour riches s'appelle Gold City et porte bien son nom. Des montres bijoux pour homme de 4cm de diamètre en platine ou en or avec diamants incrustés sont à vendre. Un bon dîner, une bonne douche et quatre heures de sommeil me permettent de me reposer avant de reprendre l'avion de Paris.

Voilà! Mon aventure Malaisienne est terminée, elle a été très courte mais riche de découvertes. Ann Nah a eu à coeur de me faire découvrir son pays. Elle m'en parlait souvent durant son séjour en France, j'ai vu et goûté là ce qu'elle essayait de me faire imaginer. J'ai découvert la beauté de l'art chinois dans ses temples, la végétation florissante de ses forêts, j'ai goûté de nouveaux fruits pour moi inconnus, j'ai découvert les saveurs de la cuisine asiatique. La gentillesse de son accueil et de celui de sa soeur m'ont beaucoup touché et je garde un beau souvenir de ce séjour. Il y a encore d'autres régions à découvrir en Malaisie!

lundi 23 novembre 2009

Retour sur Lukla puis sur Kathmandou, fin du trekk.

Sonam avait prévu de redescendre en deux jours sur Namche. Comme je n'ai pas pris de douche depuis Phorsee, j'ai hâte d'en prendre une vraie et la seule dans le coin, c'est à Namche Bazaar. Je lui propose donc de redescendre directement de Lobuche sur Namche. Pour lui cela ne pose pas de problème de redescendre en une journée ce que l'on monte en trois jours. OK donc, c'est ce que nous ferons. Après une bonne nuit à Lobuche, nous nous levons au lever du soleil, soit à 6h et après un déjeuner vite avalé, nous prenons le chemin du retour. Après les efforts de montée, la route de la descente me paraît très facile et nous avalons les kilomètres à bon pas. Nous croisons les trekkeurs qui montent péniblement les rochers et les moraines. Cela m'amuse car si quelques jours auparavant j'étais comme eux, maintenant je me sens des ailes. De plus, je fais maintenant partie de ceux qui sont montés au Kala Patthar et je l'avoue, au fond de moi, j'en suis fier!

Nous repassons à Pheriche où je fais une photo du tea-room de la mère de Sonam et nous continuons la descente. Jusqu'à Tengboche, je connais la piste, elle descend et monte de temps en temps en fonction du terrain. A partir de Tengboche, nous plongeons dans la vallée, par un sentier assez raide, pour passer le torrent 600m plus bas et nous remontons sur le versant opposé pour nous retrouver 600m plus haut au même niveau que Tengboche. Cela fait déjà plusieurs heures que nous marchons et cette remontée se fait sentir. Puis par un chemin relativement bien entretenu, nous rejoignons Namche. La veille, nous avons assité au coucher du soleil sur le toit du monde, ce soir, nous assistons au coucher du soleil sur la vallée. C'est très beau aussi, mais bien différent. Nous étions au-dessus des nuages, nous sommes maintenant en-dessous.

En arrivant au lodge, à la tombée de la nuit, il commence à faire froid, mais moins qu'à Lobuche. Nous nous installons dans la chambre puis allons dîner. Après le repas, je vais avec bonheur goûter à une bonne douche bien chaude, une vraie douche. Que c'est bon! Nous avons marché pendant 9h pour redescendre jusque là. Sonam admire ma résistance et me dit que je ne suis pas un vieux militaire retaité de 60 ans, mais un jeune militaire de 40 - 45 ans. Cela me fait plaisir. Et c'est vrai que je suis en bonne forme. Je suis confiant pour la route de Saint Jacques de Compostel. Je viens d'avoir un bon entraînement.

Après une bonne nuit, nous repartons sur les coups de six heures du matin. Sonam voudrait essayer d'attraper un avion le jour même. Cela nous ferait gagner une journée à Kathmandou. C'est donc reparti! Nous croisons les premiers porteurs vers 7h du matin, au fond de la vallée. Puis peu à peu nous croisons les trekkeurs qui arrivent et soufflent comme des boeufs pour monter. Même dans les montées, je me sens plus à l'aise qu'à l'arrivée. Je me rends compte que ces quinze jours ont été un excellent entraînement.

Au passage d'un village nous avisons une banderole concernant un marathon. Nous croiserons quatorze hommes et quatre femmes qui montent en courant jusqu'au camp de base! C'est fou comme épreuve car en plus du terrain très accidenté, il y a l'altitude. Ce n'est vraiment pas pour moi! Nous arrivons à Lukla sur les coups de midi. Sonam file se renseigner à l'aéroport, mais il revient en me disant que tous les avions sont pleins pour la journée. Nous prendrons l'un des premiers avions du lendemain matin.

Nous nous installons donc pour passer la nuit dans un lodge au bord du terrain. Nous déjeunons, puis pendant que Sonam se repose un peu, je vais faire un tour dans le village. Je regarde et filme les départs et arrivées des avions. C'est impressionnant.

Le lendemain matin, nous nous levons à six heures pour être aux premières heures sur le terrain. A partir de sept heures, d'un seul coup, c'est le ballet des avions qui arrivent, déchargent, rechargent et repartent. En moins d'un quart d'heure ils ont fait le transbordement. Le ballet va être incessant toute la matinée. Sur les coups de 9h30, c'est notre tour d'embarquer. Cette fois, j'arrive à me mettre à droite juste derrière les pilotes. Je peux filmer le décollage, puis j'ai la vue sur la chaîne de l'Himalaya. Dernier regard avant de plonger dans la crasse de Kathmandou.

Quand nous débarquons et retrouvons la circulation, le bruit et la polution de Kathmandou, nous avons l'impression de débarquer d'une autre planète. Sonam attrape un taxi qui nous conduit chez lui. Là je fais connaissance avec sa mère et sa soeur, Dianji, des personnes charmantes avec qui je sympathise très vite. La petite voisine de l'étage du dessous est là, elle saute au cou de Sonam. Il est comme un père pour elle, il aime beaucoup jouer avec elle. Je vois bien Sonam avec des enfants, il est très affectueux. Pendant qu'il part quelques heures régler des problèmes personnels, j'en profite pour commencer à rédiger le récit de mon périple. Je montre aussi à la soeur de Sonam quelques photos du trekk. Elle découvre la photo de sa mère et d'elle petite, elle en est émue, elle aussi.

L'après-midi, Sonam m'emmène d'abord chez le barbier. Comme cela fait plusieurs jours que je ne me suis pas rasé, j'en ai besoin et Sonam veut me faire découvrir les barbiers indhous. Je le suis donc et il demande la totale. Le barbier commence par me faire un massage du visage et de la tête, puis il me savonne et me rase. Il poursuit ensuite par un nouveau massage du visage et de la tête, puis il dispose un cousin sur la console et me fait mettre en appui sur mes bras croisés. Là commence un massage du dos à base de quelques claques dans le dos, de pétrissage et de massages avec les coudes. Il me travaille ensuite les bras puis les doigts. C'est assez surprenant mais pas désagréable, bien au contraire. Et tout cela pour 200 roupies (2€!) et Sonam qui trouve que c'est cher!

Sonam m'emmène ensuite en ville faire quelques emplètes de souvenirs. Il est comme un gamin, tout heureux car il veux envoyer à chacun des frères et soeurs de François un cadeau, il fait de même pour mes enfants. Je tente de l'en dissuader, mais il est trop heureux de le faire alors je le laisse faire. Nous allons acheter des tee-shirt sur le trekking dans l'Himalaya. Après avoir fait les emplètes que je voulais, nous rejoignons son appartement. Je retrouve la circulation de fou de Kathmandou avec ses coups de klaxon, les véhicules dans tous les sens, etc... Comme ils roulent à gauche cela ne fait qu'accentuer l'impression de capharnaùm. Et au milieu de tout ce bazar, de temps en temps émergent de très belle femmes avec des tenues superbes. Des fleurs splendides au milieu d'un dépotoir....

Le soir, en attendant l'arrivée de l'électricité, nous bavardons à la lumière d'une bougie. Puis Sonam se met à la cuisine, il veut préparer quelques plats de sa spécialité. Nous prenons ensuite le repas dans son salon. Nous nous régalons des préparations de Sonam tout en regardant un DVD sur les fêtes Sherpas au village de Khumjung. Maintenant que j'ai sillonné la région, je me rends compte que je regarde cette vidéo avec un autre oeil qu'un quelconque spectateur. Comme m'a dit Sonam, "on ne change pas la montagne, mais la montagne nous change". Je me suis attaché à cette région et à son peuple.

Le lendemain, Sonam me conduit dans une des plus vieilles cités de la vallée de Kathmandou: la cité de Bhaktapur. C'est une cité royale construite au début du XV° siècle. Les maisons sont en briques et bois, quelques édifices sont en pierre. Les boiseries sont très travaillées et ressemblent à de la dentelle. Beaucoup de sculptures sont usées par le temps, mais la ville conserve encore un bel aspect des milles et une nuits. De nombreux temples parsèment la ville avec leurs toits en pagode, leurs sculptures inspirées de la religion indhou et parfois des représentations très suggestives du Kamasutra. Le jour suivant, c'est la ville de Patan qu'il me fait découvrir. Un peu dans le même style que Bhaktapur, elle en est cependant un peu différente et très belle à découvrir.

Le vendredi matin, c'est le départ. Au moment de nous quitter, la mère de Sonam me noue autour du cou le foulard traditionnel que l'on remet aux amis au moment du départ. Puis Sonam me conduit à l'aéroport. Nous nous quittons à l'entrée et il me noue lui aussi un foulard autour du cou. Nous nous faisons l'accolade et j'avoue que ces jours passés avec lui ayant été très riches, je suis ému de le quitter. Je suis très heureux d'avoir fait sa connaissance et d'avoir fait ce trekk avec lui. Lui aussi est très content de cette rencontre. Je repars riche d'une expérience inoubliable. La montagne m'a marquée et je crois qu'un jour je reviendrai refaire un trekk dans cette région.

Namaste, Sonam, Tootse

Pheriche, Lobuche, coucher de soleil depuis le Kala Patthar

Sonam prend un peu de distance avec les allemands. Il m'a expliqué que leur guide a pris un peu ombrage de son ascendance. Sonam parle mieux l'anglais que lui, il connaît mieux la montagne que lui et il s'est rendu compte que les allemands
s'étaient rapprochés de Sonam pour lui demander des conseils. Il perd donc de son aura auprès des allemands. Sonam ne pensait qu'à rendre service. Pour éviter tout problème, nous partons de bonne heure du lodge.

Nous reprenons donc le chemin. Comme nous sommes à moins de 4000m, je ne ressens pas encore les effets de l'altitude et reprends sans problème mon pas de sénateur. Un pas j'inspire, un pas je souffle. Sonam m'a depuis le début donné ce rythme et finallement je m'y suis bien fait. Par contre, si en altitude je dois réduire le pas, Sonam quant à lui ne ressent aucun effet et garde toujours le même pas. On voit bien qu'il est du pays. Par contre aujourd'hui, il est un peu fatigué, il accuse sa nuit de fête. Le soir en arrivant au lodge, il dormira trois heures avant de faire surface.

Nous commençons par descendre au bord du torrent, puis nous remontons sur l'autre versant. Avant d'atteindre Pangboche, nous doublons un groupe de jeunes en costumes d'animaux. L'une des deux femmes m'explique en français que c'est un groupe de jeunes anglais qui soutiennent une maison qu'ils connaissent bien et qui soigne les malades d'Alzheimer. Afin de collecter des fonds, ils ont ouvert un site et on fait le pari de monter au Kala Patthar en costumes. Il y a un cochon (le trésorier), une vache, un cheval, une poule, une abeille, une grenouille, un perroquet. Même le guide népalais joue le jeu, il est déguisé en pinguoin. Ils mettent une ambiance bon enfant sur le chemin. Comme nous logeons dans le même lodge à Pheriche, elle me raconte que les enfants sont très amusés, que l'accueil des allemands, des anglais, des français est excellent, mais les espagnols ne comprennent pas la plaisanterie. Quand je leur ai dit que je tenais un blog et que je leur proposais d'y mettre un lien sur leur site, "la ferme de l'Everest", ils ont tout de suite accepté. Toutes les bonnes occasions de se faire connaître et de collecter des fonds sont à prendre. Donc si d'aventure certains lecteurs voulaient soutenir ce groupe très sympathique: à votre bon coeur, le lien est ci-joint.

Nous déjeunons à la terrasse d'un lodge à Pangboche, puis nous reprenons le chemin. Peu à peu nous nous élevons pour atteindre Pheriche à 4270m, le village où il y a un "hôpital". En fait, ce n'est qu'un dispensaire pour accueillir les trekkeurs ayant le mal des montagnes, mais il n'y a pas toujours de médecin. Nous passerons la nuit dans un gros lodge où il y a un cyber café. Comme à cette altitude l'électricité est solaire et les liaisons internet ou téléphone se font par satellite, la minute de liaison est à 20 roupies. Rien que pour consulter mes messages et en envoyer deux, j'ai passé 40 minutes! Cela m'a coûté 800 roupies, soit 8€! Voilà pourquoi, c'est silence radio pendant une bonne partie du trekk.

La nuit est très froide. Comme toujours, le lodge n'est pas isolé. Au matin, les vitres sont couvertes de glace, les plaques de contre-plaqué du plafond sont couvertes de condensation. Il doit faire -10°C environ dans la chambre. Dans les wc, le sol est verglacé et il faut casser la glace pour puiser l'eau. Là, pas de toilette, juste les dents! L'eau du pichet est gelée. Nous reprenons le chemin. Au passage, Sonam me montre le Tea-shop qui appartient à sa mère et où il a rencontré François Geachner il y a six ans. Le début d'une amitié et l'origine de notre rencontre! Le guide de François ayant attrapé le mal des montagnes parce qu'il buvait tous les soirs, François avait dû le redescendre à Pheriche. Alors qu'il essayait de récupérer une partie de la facture, le guide faisait celui qui ne comprenait pas l'anglais. Sonam s'est alors proposé de servir d'interprête. A l'issue de la transaction, François l'a embauché comme guide, etc....

Nous suivons la vallée qui remonte vers Lobuche, puis nous grimpons la moraine du Thokla Pass. Un pas j'inspire, un pas je souffle. Je commence à ressentir de nouveau l'effet de l'altitude. Au sommet de la moraine, un nombre important de petits mémorials de pierre se dressent. Sonam m'explique que c'est en mémoire des victimes de l'Everest et que celui de son grand-père y est. Il est mort lors d'une expédition en 1982. Il faisait partie d'une expédition canadienne. Lors d'un passage dans un couloir, une avalanche les a submergés. L'un des canadiens a été enseveli jusqu'au cou, mais il s'en est sorti. Il a essayé de dégager les trois sherpas qui l'accompagnaient, mais c'était trop tard. La mère de Sonam qui avait une vingtaine d'année et sa grand-mère ont été avisées de l'accident. Elles sont montées de Khumjung pour lui rendre les derniers hommages et l'incinérer sur place. Elles ont dressé le mémorial. Quand de retour à Kathmandou, Sonam a montré à sa mère les photos, elle en a été toute retournée.

Je demande alors à Sonam s'il y a un mémorial pour son père. Il me réponds que non. Il a fait des recherches, il a retrouvé le responsable de l'expédition, un belge, il l'a rencontré et celui-ci lui a raconté comment son père est mort. Lors de cette expédition belge il y a 22 ans, il faisait très froid, ils ont été pris dans une tempête. Le belge est redescendu péniblement avec la plupart des sherpas, mais son père était trop malade, il ne pouvait pas redescendre. Il est donc resté à l'abri dans sa tente. Mais quand les secours sont revenus pour le chercher, c'était trop tard, il était mort. Le frère de son père qui faisait partie de l'expédition, n'a pas annoncé tout de suite la nouvelle à sa belle-soeur, elle était enceinte et il y avait des histoires de jalousie. Quand elle a appris la nouvelle, son mari avait déjà été incinéré. Elle n'a donc pas pu lui rendre les hommages ni faire de mémorial.

Nous reprenons la route et suivons la vallée jusqu'à Lobuche. Le lodge où nous nous installons après cinq heures de marche est assez grand, et très rustique. Les chambres sont très rudimentaires, le sol est en dalles de terre recouvertes d'une feuille d'isorel. Les murs sont recouverts de toile pour cacher la misère. Le sol du couloir est en dalles de terre herbue. Un seul wc existe, dehors une "hot shower" ressemble plus à un wc qu'à une douche.

Le soir, il y a beaucoup de monde qui se presse autour du poêle pour se réchauffer. C'est très cosmopolite. Je fais la connaissance d'un coréen passionné d'histoire française. Il me pose beaucoup de questions sur Napoléon, la Révolution, etc... Très amusant. Il y a aussi des allemands, dont un qui est fortement intéressé par les photos du lever de soleil sur le Gokyo Ri. Des anglais, des espagnols, des italiens, des australiens se mèlent à la foule des porteurs et des guides. Je lie conversation avec des Israéliens qui me font des compliments sur mon anglais! Ils disent que je le parle bien! Je rigole! Je comprends de mieux en mieux, mais j'ai du mal à parler, je cherche mes mots.

La nuit sera TRES froide. Au matin, nous laissons le soleil monter et chauffer avant de prendre le chemin de Gorak Shep, le dernier village avant le camp de base. Nous laissons nos affaires au lodge, nous ne prenons que mon sac avec le strict minimum. Nous allons monter au Kala Patthar, le point culminant de mon périple pour assister au coucher du soleil. 5550m! Sur les coups de 10h, nous partons et rejoignons donc Gorak Shep. Nous y mangeons et attendons la fin de l'après-midi. Mais vers 15h, je fais remarquer à Sonam qu'il y a de plus en plus de nuages et que nous risquons de ne pas assister au coucher du soleil. Pour profiter au moins de la vue sur l'Everest, nous entamons la montée. L'effet de l'altitude se fait tout de suite sentir. Nous sommes à plus de 5150m. Je prends donc mon petit pas de petit sénateur: un pied j'inspire, un pied je souffle.... Et peu à peu nous nous élevons. Après une heure trente de montée, nous arrivons enfin au sommet du Kala Patthar. 5550m! Je ne pensais pas arriver si haut! J'avoue que j'en suis fier! Il y fait froid, la brume a envahi les monts autour de nous, nous ne voyons pas grand-chose, mais on patiente un peu. Finalement, peu à peu, cela se dégage. Et là, devant nous, de l'autre côté de la vallée, derrière le Nuptse .... le mont Everest! qui nous domine de ses 8850m! Dire qu'il a 3300m de plus que nous! Grandiose, magnifique. Finalement, contrairement à ce que nous craignions, le temps se dégage et nous avons une vue splendide. Nous ne sommes qu'une dizaine à jouir de ce spectacle. Les nuages sont en bas dans la vallée, sur Gorak Shep et plus bas. Nous assistons donc au coucher du soleil sur le toit du monde. Splendide!

Quand les derniers rayons du soleil ont disparu, nous entamons rapidement la descente. En un peu plus d'une demie-heure, nous arrivons à Gorak Shep. il fait nuit noire et très froid. Il devait faire -20° à -25°C là-haut au moment de descendre. Nous prenons donc le chemin de Lobuche dans l'obscurité, trouée par le petit faisceau de nos lampes frontales. La descente ne demandant pas trop d'effort, nous allons assez vite, sauf lorsque le chemin reprend de temps en temps de l'altitude pour franchir des moraines ou des rochers. Marchant d'un bon pas, nous ne sentons pas le froid. Nous marchons ainsi pendant près de deux heures dans l'obscurité totale: il n'y a pas encore de lune. On ne sait pas ce qu'il y a à droite ni à gauche: talus ou ravin? Qu'importe, je suis Sonam d'un bon pas. Finalement, au détour d'un rocher, on distingue faiblement quelques petites lumières: les lampes à faible énergie des lodges de Lobuche. Quand nous arrivons, il est presque 20h et les gens partent se coucher. Nous sommes bien réchauffés, mais mon sac est blanc de givre et ma doudoune aussi. Après un repas pris rapidement, nous allons nous glisser dans nos sacs de couchage glacés.

dimanche 22 novembre 2009

Lever de soleil au Gokyo Ri, Phortse, Danses Mani Rimbu à Tengboche

Quand nous sommes arrivés au lodge, il était déjà bien rempli et la chambre qui m'est donnée se trouve au fond du couloir, fenêtre au nord. Un groupe de français occupe la plupart des chambres. Je fais connaissance avec l'un d'eux et j'apprends
qu'ils redescendent sur Tengboche car il y a le festival des Sherpas. J'en parle à Sonam qui me confirme et m'explique que cela consiste en danses rituelles toute la journée, danses effectuées en costumes traditionnels par les moines du monastère. La nuit, la cour du monastère est occupée par les Sherpas qui chantent et dansent des danses folkloriques. Intéressé, je demande à Sonam si l'on ne peut pas modifier le programme: au lieu de passer le Chola Pass qui semble risqué à cause de la glace, aller à Tengboche et remonter ensuite à Lobuche. Sonam accepte volontiers d'autant qu'il y a longtemps qu'il n'est pas allé au festival et qu'il aime bien y participer.

Pendant la nuit, il fait assez froid et au matin, la fenêtre est couverte de givre. Afin de récupérer de la journée précédente, nous restons tranquilles pendant la journée. Le matin, après le lever du soleil, je profite de la chaleur de ses rayons pour faire ma toilette et me raser. Il y a possibilité de prendre une douche chaude, mais quand je vois l'installation, j'y renonce pour l'instant. C'est une petite baraque en tôle ondulée sur le toit de laquelle un petit bidon est rempli d'eau chaude. Une bâche sert de bac à douche. La tôle étant encore gelée, j'aviserai plus tard. Je profite aussi du soleil pour faire un peu de lessive: tee-shirt, chaussettes, mouchoirs... Pas grand chose mais il faut quand même y penser sinon je risque d'être à court. Sonam me ramène de l'eau chaude de la cuisine et je lave. Pour faire sécher le linge, je le mets sur un fil tendu. Si les rayons du soleil sont chauds, l'air est plutôt frais et le vent bien froid. Une heure après avoir étendu mon linge, je vais voir comment il est: raide! Le vent a enlevé une partie de l'humidité, mais le froid a gelé le reste. Ayant changé de chambre et celle-ci ayant la fenêtre à l'ouest, j'étends mon linge derrière la vitre. La chaleur des rayons permet au linge de sécher.

Le matin, Sonam me demande si je n'ai pas des médicaments, son cousin a dû manger quelque chose qui ne lui a pas convenu, il a vomi plusieurs fois dans la nuit. Il a mal à la tête et au ventre. Je lui donne du paracetamol et de l'Imodium en lui disant que c'est plutôt pour les intestins. Il semble que cela lui ai fait de l'effet car son état s'est amélioré et le lendemain cela allait mieux. Pendant la matinée, les allemands que nous avions croisés au Renjo Pass viennent s'installer
dans le même lodge. Au repas de midi nous faisons un peu plus connaissance et c'est ainsi que j'apprends que la veille, l'une des femmes avait le mal des montagnes. Ils étaient montés trop vite depuis Namche, ils n'avaient pas fait de palier
d'acclimatation. D'avoir redescendu, cela allait mieux. Ils ont decidé de rester une journée au repos.

Dans l'après-midi, nous montons sur la moraine qui sépare Gokyo du glacier qui est derrière. La vue sur le glacier est interessante. On ne voit pas beaucoup la glace car elle est couverte par les éboulis, mais de place en place elle est visible. Le glacier fait plusieurs kilomètres de long et à peu près un kilomètre de large. Nous remontons un peu la moraine jusqu'au quatrième lac et nous redescendons. L'allemande nous a accompagnés. A l'ombre, il fait assez froid, l'eau des torrents est partiellement gelée. Au cours de la soirée, après le coucher de soleil sur le Cho Oyu, nous faisons plus ample connaissance et je fais aussi connaissance avec un touriste français, Jean, photographe de profession qui entre deux crises de son cancer (du sang) en profite pour parcourir le monde. Dans cinq ans, il ne sera peut-être plus là. Quand je leur explique mon programme, ils sont tous intéressés et me demande s'ils peuvent se joindre à nous. J'approuve bien sûr, c'est plus sympathique.

Le lendemain matin, réveil à 3h00 et départ à 3h30 après une tasse de thé. Nous montons tous au sommet du Gokyo Ri, un pic qui domine le lac et du haut duquel nous allons assister au lever du soleil. Nous avons une chance fantastique, il fait un temps superbe, pas un nuage, pas une brume et une lune brillante: c'est la pleine lune. Après avoir traversé le torrent en sautant de pierre en pierre, nous entamons l'ascension à la lampe électrique, à pas de sénateur: un pas j'inspire, un pas je souffle, car la pente est tout de suite raide. Le temps est si clair que la vue est déjà superbe. Les montagnes se découpent en ombres chinoises sur le ciel. Peu à peu, le rythme ralentit, un pied j'inspire, un pied je souffle. Au bout de deux heures trente d'ascension, nous arrivons au sommet à petit pas: un demi-pied j'inspire, un demi-pied je souffle... 5360m, mon nouveau record! C'est l'aube et déjà le ciel pâlit à l'est. La lune est toujours là, la vallée est dans l'obscutité. C'est grandiose! Il fait très froid, -15 ou -20°C mais c'est splendide! L'air est si pur si clair que les montagnes semblent très proches. Sur 360° nous avons un spectacle unique. Pas un nuage, un ciel d'un bleu profond, des montagnes de dentelle. Nous restons là une heure environ pour assister à l'arrivée majestueuse du roi soleil qui de ses rayons colorés va peu à peu embraser les sommets avoisinnants.

Au début nous n'étions qu'une quinzaine, mais peu à peu, les gens vont arriver et envahir le sommet. Quand le clou du spectacle est passé, nous redescendons sur Gokyo, abandonnant le sommet aux autres touristes. Ils ne savent pas ce qu'ils ont manqué. Le lever du soleil est bien plus beau que la vue de jour. Le sommet du mont est comme beaucoup de sites dans l'Himalaya, des caerns servant de mémorial, des lungtas flottant au vent, des foulards soyeux. Cela donne un air particulier, vivant. Pour les sherpas, cela signifie que les esprits habitent ce lieu. Sonam profite de quelques instant pour méditer face à l'Everest.

En une heure nous voilà de retour au lodge. Nous prenons un petit déjeuner, bouclons nos sacs et reprenons la route en direction de la vallée. Nous longeons le deuxième lac au bord duquel de nombreux caerns sont disposés. Sonam m'explique que c'est un lieu de pélérinage local. Ces caerns sont levés par les pélerins lors des cérémonies en juillet. Jean est parti en avant avec son guide, il va essayer de réserver des chambres à Phortsee pour tout le monde. Les allemands nous accompagnent.

Pendant un temps, nous suivons le chemin qui vient de Namche. Il y a plus de monde que lors de la montée après Thame. C'est une voie assez fréquentée. Au bout d'un moment, nous quittons ce chemin, nous descendons et traversons le torrent pour passer sur l'autre versant. Là, les rencontres deviennent plus rares, les pistes sont un moment difficiles à deviner dans les broussailles. Puis les pentes deviennent de plus en plus raides. Il ne faut pas avoir le vertige. A un moment, le guide des allemands manque de perdre son fardeau. Il aurait eu beaucoup de mal à le récupérer! Le précipice fait plusieurs centaines de mètres.

Tout d'un coup, au détour d'un chemin, un lodge se dresse et nous accueille pour une tasse de thé. Les gens qui sont là sont très isolés. Le village le plus proche est à plusieurs heures de marche. C'est notre jour de chance, nous croisons aussi quelques animaux sauvages: des perdrix des montagnes, un bouquetin majestueux qui traverse le chemin à quelques dizaines de mètres de nous, d'après Sonam, c'est le met de choix du Yéti. Peu avant Phortsee nous apercevons le fameux "National Bird", l'oiseau emblématique du Népal, un genre de paon à queue courte, de la catégorie des faisans au plumage très coloré, appelé Daphné ou lophophorus. Nous verrons aussi deux femelles au plumage gris et enfin, une biche dans les bois avant d'arriver.

En arrivant au lodge prévu, il n'y a plus de place. Nous nous rabattons alors sur un autre lodge, très récent. Après s'être installés, nous avisons la "hot shower". Super, nous allons enfin pouvoir prendre une douche. En fait de douche, c'est une petite pièce en plein air, fermée par des tôles ondulées, sol en béton légèrement incurvé avec un tuyau d'évacuation. On m'apporte un seau d'eau chaude, très chaude, avec un pichet! On plonge le pichet dans le seau et on s'arrose avec l'eau brûlante. Cela fait du bien, mais on ne s'éternise pas... dehors il fait en-dessous de zéro, maintenant que le soleil est couché.

Après une bonne nuit, moins fraîche qu'à Gokyo (nous sommes à 3810m), nous reprenons les sacs pour rejoindre Tengboche de l'autre côté de la vallée. En une heure et demie, nous redescendons 400m et remontons 400m. Nous aurons la chance de croiser un troupeaux de chèvres sauvages des montagnes. Comme Sonam est parti devant pour essayer de trouver un lodge pour la nuit, il m'a laissé une partie de mon barda. Je sens que ce matin mon sac est plus lourd que d'habitude. Je me rends compte combien Sonam m'a soulagé auparavant. Peu avant Tengboche, Sonam nous rejoint et me prend mon sac, il a laissé le sien au lodge. Il me laisse au monastère pendant qu'il emmène les allemands au point d'hébergement une demie-heure plus loin. Comme il fait beau, je n'ai gardé avec moi que ma polaire et mon blouson coupe-vent.

Je fais le tour du site et quelques photos. Ce monastère date de 1916, mais depuis 350 ans, les moines savaient que là il y aurait un monastère, car c'est un lieu sacré. Il a été détruit deux fois et à chaque fois reconstruit plus beau. Il abrite une soixantaine de moines et moinillons. La vue avec la montagne en arrière plan est superbe. Quand les cérémonies commencent, vers 8h30, j'entre dans le monastère pour assister aux danses. Restant près de l'entrée pour guetter l'arrivée de Sonam, je suis à l'ombre et très rapidement je ressens le froid. J'ai hâte que Sonam arrive et m'indique le lieu du gîte pour aller y rechercher ma doudoune. Mais c'est sans compter sur la prévenance de Sonam. En effet, quand il arrive et que je lui demande comment aller au lodge, il me sort ma doudoune qu'il a pris dans mon sac, ainsi que mes gants fourrés. Ah! je l'ai béni à ce moment là car j'étais déjà presque congelé.

Les danses Mani Rimbu vont durer sans interruption jusqu'à la tombée de la nuit. A part deux intermèdes au cours desquels nous sommes allés manger et nous avons fait une visite à l'eco-center, un centre d'accueil et d'information des touristes, j'ai assisté à toutes les danses. Sonam m'a expliqué un peu le principe. Les danses sont toujours un peu pareil, la musique aussi, mais les costumes changent. Les danses sont l'animation de livres de prières où il est question de dieux, de démons, de gardiens, etc.... Les chants et la musique rythment les pas. La musique est faite à partir de grandes trompes, de cymbales, de clochettes, de tambourins, de genres de flûtes à bec. Au cours de la journée, il y a deux intermèdes comiques où des moines miment les manies des touristes: ils se moquent gentiment de nous avec nos appareils de photo, nos chapeaux, nos sacs à dos et nos gros souliers. A un moment, ils invitent une touriste américaine à se joindre à eux, elle joue le jeu mais en fait un peu trop et ne se rend pas compte qu'elle se ridiculise.

Les cérémonies sont présidées par le leader master du monastère, le head lama, Rinpoche. Il est la réincarnation du Lama Gulu qui a fondé le monastère. Sonam m'explique le principe des réincarnations. Avant de mourir, un lama fait un genre de testament où il décrit où et comment il se réincarnera. Après sa mort, les moines recherche l'enfant qui est préssenti pour être la réincarnation. Quand il l'ont trouvé, il le mettent à l'épreuve en lui présentant divers objets en plusieurs exemplaires identiques dont ceux ayant appartenu au lama décédé. S'il est la réincarnation, il choisit sans hésiter les objets ayant appartenu au moine décédé.

Le spectacle est aussi bien sur l'esplanade que dans le public, il y a des visages très caractéristiques et les photographes s'en donnent à coeur joie. A la nuit tombée, nous rejoignons le lodge où nous mangeons et nous changeons car il fait froid, puis nous rejoignons le monastère à la lampe électrique. Là, les hommes et les femmes sherpas forment une farandole, les femmes d'un côté, les hommes de l'autre. Ils chantent et dansent des complaintes traditionnelles. Le pas est toujours le même. Sonam se joint à la farandole et danse avec les autres. Quelques touristes se mèlent aux danseurs et essayent le pas. Ce n'est pas évident car il n'est pas aussi simple qu'il ne paraît, il est complexe et disymétrique. Au bout d'un moment, je me retire pour aller me coucher. Sonam m'accompagne jusqu'au début du chemin que je ne me trompe pas, puis retourne danser. Il dansera jusqu'à une heure du matin.

La nuit sera très fraîche, d'autant que je n'ai pas pu avoir de couverture, il n'y en avait plus. Je me suis donc débrouillé avec mon sac de couchage, ma doudoune et ma polaire. Au matin, la vitre de la fenêtre était toute givrée. J'ai partagé la chambre avec l'allemand.

Khumjung, Thame, Langden, Renjo Pass, Gokyo

En début d'après-midi, nous quittons donc le lodge de Namche Bazaar et attaquons tout de suite la pente. Je commence a sentir l'effet de l'altitude, je manque de souffle. Je prends donc un pas lent et régulier. La veille déjà, en arrivant vers Namche, j'avais commencé à sentir l'effet de raréfaction de l'oxygène. Mais le fait de rester trois jours à peu près à la même altitude fera que je le sentirai moins au bout de quarante huit heures. Je prends donc un pas de sénateur pour monter le raidillon. Un pas j'inspire, un pas je souffle. je prends bien le rythme et peu à peu nous nous élevons. Très rapidement nous dominons le village de Namche et nous atteignons le petit aérodromme en terre battue de Namche. Seuls les petits avions de 6 places maximum peuvent l'atteindre. Il sert pour les expéditions et les évacuations sanitaires.

Nous atteignons enfin Khumjung et Sonam est tout fier de me faire passer sous la porte d'entrée de son village. Nous longeons ensuite l'école: l'Hillary School. Sir Edmund Hillary est le premier homme ayant atteint le sommet de l'Everest. En 1953, lors de son expédition, il a découvert la pauvreté du peuple Sherpa. S'étant pris
d'affection pour ces montagnards rudes, courageux et attachants, il a créé une fondation et a ouvert des écoles dans presque tous les villages, installé des dispensaires, réalisé le terrain d'aviation de Lukla, etc.... Ce monsieur s'est beaucoup dépensé pour aider le peuple Sherpa, et il est donc un peu considéré comme le Bon Dieu dans la région.

Le lodge où nous nous installons est dans le haut du village. Nous sommes les seuls clients le premier soir, le lendemain, un japonais nous rejoindra. Les hôtes sont de la famille de Sonam, la grand-mère est sa tante. Sa petite-fille qui tient le lodge est une jolie jeune femme aux traits très fins qu'illumine un beau sourire, Kanshi. Un gamin de quatorze ans, mais en paraissant douze tellement il est petit et menu, est employé aux travaux divers. Il va collecter les bouses de Yack pour les faire sécher et soit les stocker, soit les vendre. Il fait aussi la collecte des feuilles mortes qui serviront à la litière des boeufs, enfin, il fait la vaisselle et tous les menus travaux du lodge. Il gagne 10€ par mois. Enfin, un gamin de dix ans et un de douze ans, neveux de la jeune femme complètent le tableau. L'air étant vif, les gamins ont les joues rouges, presque noires. Sonam m'a raconté comment lui aussi, la nuit il allait vers minuit rassembler les feuilles mortes à la lampe électrique dans la montagne, puis au petit matin il revenait les ramasser et les rentrer.

Le lendemain, journée d'acclimatation, nous faisons un tour pour visiter le coin. Khumjung est en fait un groupement de deux villages: Khumjung et Khunde, le village de Sonam. Ils sont construits dans un petit cirque au pied du Khumbi Yul Lha (5761m), montagne inviolée considérée comme sacrée. Seul un japonais a essayé de la gravir, il en est mort. Nous suivons la crête opposée, elle domine les vallées au pied de Namche. Les vues sur les montagnes sont bien sûr magnifiques. Nous passons par deux hôtels qui profitent de leur situation pour pratiquer des prix assez élevés. Au passage, Sonam me montre un rocher particulier: on a l'impression qu'il a été cuit, il présente une croute craquelée de quelques centimètres d'épaisseur et une partie est profondément érodée, formant une cavité à forme spéciale. Il m'explique qu'il y a très longtemps, un moine est venu méditer à cet endroit. C'est la puissance de sa méditation qui a laissé des traces dans le rocher. C'est un lieu de vénération pour les habitants du village.

En redescendant, nous passons par le monastère de Khumjung. Ils ont là le scalp d'un Yéti! Les analyses biologiques certifie l'authenticité de ce scalp. Le Yéti serait un humanoïde de grande taille que personne n'aurait vu. Seuls quelques anciens auraient vu des traces dans la neige en haute altitude. J'ai pu voir le scalp
et le photographier.

Le soir coucher de soleil sur le Kangtega (6685m) en face du lodge. Au cours de la soirée, Sonam me fait découvrir le vin de riz. cela ressemble un peu au vin nouveau. Il m'explique les gestes traditionnels qui sont faits quand on commence à boire le vin de riz.

Après une bonne nuit bien fraîche, nous reprenons le chemin en direction de Thame. En partant, nous traversons la cour de l'école où est dressé un buste de Sir Hillary. Les enfants ne sont pas encore là, seuls les pensionnaires sont présents. Les autres arriveront pour 9h. Ils viennent à pieds des villages voisins. certains ont une à deux heures de marche avant d'arriver. Il y a dix niveaux de classe, mais tous n'iront pas jusqu'au bout. Beaucoup comme le petit ouvrier du lodge s'arrêteront avant pour travailler. Cela a été le cas de Sonam qui a dû quitter l'école à 14 ans pour aider sa mère à élever sa soeur et son frère, son père étant mort en montagne alors qu'il avait sept ans. Au cours du trajet vers Thame, nous visiterons une petite école primaire de village. C'est très rudimentaire, des bancs et des tables en simples planches, pas de chauffage.

Nous commençons par descendre pour remonter peu à peu. A midi, nous nous arrêtons à Thamo pour manger dans un lodge. Après le repas, nous allons visiter un monastère de nones. Elles sont venues s'intaller là en 1959, venant du Tibet et fuyant l'invasion chinoise. Quand nous arrivons, elles sont en prière dans un petit temple très rudimentaire. Une none nous accueille et nous fait visiter. A l'issue, elle nous offre le thé de bienvenue: le fameux thé au beurre de yack salé! Ouf! Je trempe juste mes lèvres par politesse mais ne finis pas la tasse. Sonam non plus, d'ailleurs! Elles sont en train de construire un très beau temple (Bomba). Nous visitons le chantier. Ce n'est pas encore terminé, mais déjà magnifique.

Nous reprenons le chemin au pas de sénateur avec ses montées et ses descentes. Après une journée de cinq heures de marche et quelques croisements de convois de boeufs ou de yacks venant du Tibet, quelques aperçus de peintures ou de gravures sur les rochers, nous atteignons Thame. Nous sommes à la même altitude que Khumjung, mais il y fait plus froid, des vents descendent des glaciers qui dominent le village. Le lodge où nous arrêtons appartient à un guide Sherpa qui est inscrit au livre des records: il a gravi dix neuf fois le mont Everest. Il est en photo partout et le livre des records traîne dans la salle. Après nous être installés dans la chambre, Sonam m'entraîne faire le tour du village. Nous visitons l'école, sans chauffage, et une maison typique Sherpa.

Avant la tombée de la nuit, nous nous réfugions dans la salle commune du lodge où d'autres trekkeurs se réchauffent autour du poêle au "shit de yack". Dehors, la fumée est rabattue par la brume et son odeur âcre prend à la gorge. Dans la salle, il commence à faire bon. Il y a là des espagnols que je croiserai à plusieurs reprises sur le tour, un guide de Chamonix qui depuis dix ans organise chaque année un trekk dans la région. Il a dû quitter son groupe pour aller chercher des secours car lors du passage du Chola Pass, un de ses compagnons a dérapé sur la glace et s'est fait une double fracture à la jambe. Il a descendu comme il a pu le blessé sur Thangnak, puis il a repassé la Chola Pass pour rejoindre "l'hôpital" de Pheriche et demander une évacuation. En fait "d'hôpital", ce n'est qu'un dispensaire où il n'y avait personne. Comme il n'arrivait pas à joindre par téléphone les secours, il est descendu jusqu'à Namche en une journée. Maintenant il remonte tranquillement pour rejoindre son groupe.

La nuit a été froide mais bonne. A matin, le temps est redevenu clair et limpide comme chaque matin. Nous avons eu beaucoup de chance durant ce trekk: un temps superbe tout le temps. Aujourd'hui encore, je vais pouvoir marcher une bonne partie de la journée en simple tee-shirt, je mettrai la polaire dans l'après-midi. Au village suivant, nous apercevons un campement de tibétains avec leurs yacks. Jusqu'à Marulung, la montée est progressive et mon pas de sénateur convient: un pas j'inspire, un pas je souffle, un pas j'inspire, un pas je souffle.

A partir de Marulung (4210m) la montée devient plus sérieuse, le chemin plus diffus et seulement signalé par des caerns de place en place. Il y a de moins en moins de monde maintenant. Nous sommes d'ailleurs presque tout seuls sur ce tronçon, nous rencontrons seulement quelques porteurs de temps en temps. Après une journée de six heures de marche et un lunch en cours de route, nous arrivons enfin à Langden. Il n'y a que trois lodges dans ce hameau.

Le lodge où nous nous arrêtons est tenu par une tante de Sonam. Il avait réservé la meilleure cabine avec wc, mais en arrivant elle est occupée par des allemands. Bien que je lui dise de laisser faire, Sonam rouspète et obtient la chambre voulue. Le lodge est tout petit, la salle commune très petite. On s'y entasse au coucher du soleil pour essayer de garder un peu de chaleur puis on va se coucher. Comme la nuit est noire à partir de 18h, à 19H30 - 20h tout le monde se couche.

Là, la nuit commence sérieusement à être froide. Le wc est une simple extension extérieure en tôle de la chambre qui n'est pas isolée. Les wc dans les lodges sont souvent de simples WC à la turc sans chasse d'eau. Un bidon rempli d'eau est à disposition avec un pichet plastique ou une boîte de conserve. Dans certains lodges, ce n'est qu'un plancher percé avec un tas de feuilles mortes et une pelle. Sonam a toujours choisi les lodges avec des wc de première catégorie. Dans le cas présent, il fait si froid la nuit qu'au petit matin, il faut casser la glace dans le bidon pour puiser de l'eau. Au réveil, il fait si froid que la toilette se réduit au brossage des dents. Ce matin, je ne me rase pas.

Comme on commence a sentir le froid, je mets les sous-vêtements chauds, le pantalon de trekking chaud, la polaire et la doudoune. Nous partons de bonne heure car nous avons une grosse journée, le soleil ne nous chauffe pas encore et l'on supporte les vêtements. Nous croisons des perdix des montagnes. Ces oiseaux sont considérés comme sacrés par les Sherpa, il ne faut pas les tuer sinon il arrivera malheur au chasseur. Quand le soleil arrive, on commence à sentir ses effets. Au bord d'un lac, nous quittons doudoune et pantalon chaud pour nous alléger. A midi nous pique-niquons rapidement sans traîner car il ne fait pas chaud et nous avons encore du chemin à faire. La montagne est belle mais désertique, c'est grandiose. Nous passons près d'un lac où la plage de sable fin fait penser à la mer.... très froide.

Nous avons repris notre pas de sénateur et peu à peu nous grimpons. De plus en plus, je sens l'effet de l'altitude, le souffle commence à me manquer. Je ralentis le pas et dans le dernier tronçon, je raccourcis mes pas. Au début, je fais un pas j'inspire, un pas je souffle. Maintenant, mon pas se réduit à la longueur d'un pied: un pied j'inspire, un pied je souffle. Il ne faut pas briser le rythme car à plus de 5000m on le sent tout de suite. Dans les dernières dizaines de mètres qui précèdent le Renjo Pass, nous nous trouvons dans la neige et la glace, çà glisse et l'on manque parfois d'équilibre. De plus, ce passage se tranforme parfois en escalier avec des marches de 10 à 50 cm! Epuisant! Un pas, je monte mon pied, un pas je m'élève et je souffle, un pas je monte le pied, un pas je m'élève et je souffle. Ne pas casser le rythme, mais un rythme bien lent pour laisser au corps le temps de l'assimiler. Quand on a de la pente à gravir cela permet de se reposer un peu: un demi-pied j'inspire, un demi-pied je souffle. Si on perd le rythme, on arrête car on étouffe. Il faut reprendre tranquillement son souffle et on repart. Un demi-pied j'inspire, un demi-pied je souffle.... J'apprécie les bâtons, ils m'aident à monter, à maintenir l'équilibre. Je n'en avais jamais utilisé auparavant, mais au cours du trekk j'en ai découvert l'utilité. Un demi-pied j'inspire, un demi-pied je souffle. Nous ne sommes pas seuls, il y a des porteurs qui passent dont un a le mal des montagnes. Sonam lui donne à boire, car il faut beaucoup boire. Il y a aussi des allemands: deux femmes et un homme. Comme moi, ils peinent. J'apprendrai plus tard que l'une des deux femmes avait le mal des montagnes. Il faut savoir qu'à 5000m le sang ne se charge plus qu'à 80% d'oxygène au lieu de 98% et qu'à cette altitude l'air a 50% d'oxygène en moins qu'au niveau de la mer.

Finalement, après six heures de montée, nous atteignons le Renjo Pass: 5345m, mon record! Nous découvrons alors la vue splendide sur la chaîne de l'Everest avec le lac Gokyo à nos pieds. La vue est telle que l'effort valait la peine. Le passage est comme bien souvent au Népal, truffé de foulards et de lungtas (drapeaux de prières). Après quelques prises de vues, nous entamons la redescente côté Gokyo. La pente est enneigée elle-aussi, il faut donc faire attention, mais l'effort n'est pas important et ne demande pas autant d'oxygène qu'à la montée. La redescente ne demandera que deux heures, nous ne redescendrons qu'à 4800m. J'accuse quand même la fatigue de la montée et à deux reprises je trébuche et tombe sans gravité.

Arrivé à Gokyo, nous allons au lodge donnant directement sur le lac. Il est encore tenu par une tante de Sonam. Comme à chaque arrivée dans un lodge, je prend un pot d'un litre de thé que je m'enfile en me reposant. Le soir, comme d'habitude, je prends ma "garlic soup" pour commencer mon repas. Je suis content, ma journée s'est bien passée et j'ai pu sans encombre si ce n'est le souffle, monter à 5345m. Je suis heureux. Sonam a prévu de monter demain matin à 3h30 au Gokyo Ri pour assister au lever du soleil. Je lui dit que je voudrais souffler un peu. On reporte donc cela au lendemain. Bien nous en a pris car le temps sera couvert le lendemain et dégagé le jour suivant.

lundi 16 novembre 2009

Lukla-Namche Bazaar, premiers pas de trekking en pays Sherpa

Arrivés à 7h30 à l'aéroport domestique de Kathmandou, nous attendrons 10H30 pour faire les quarante minutes de vol qui nous séparent de Lukla et de la région des trekks de l'Everest. A l'aéroport, c'est un peu la foire à neu-neu, le contrôle de
sécurité est assez rudimentaire et le hall d'attente ressemble à une gare de province du milieu du siècle dernier. Quand notre tour d'embarquer arrive, nous rejoignons l'aire d'embarquement par minibus tractant un chariot de gare chargé des
bagages. Pendant que les revenants descendent de l'avion, que nous y montons et que l'échange des bagages est effectué, les pilotes se font servir le thé au lait traditionnel au "tea-room de la compagnie", soit sous l'aile de l'avion pendant que les mécanos font un tour de vérification du zinc. Cela me rappelle un peu l'ambiance des aires d'embarquement avant les sauts en parachute. Enfin, le décollage a lieu. Ayant suivi les conseils de Sonam, je suis à l'avant gauche, ce qui me permet d'avoir une vue sur les montagnes. Et nous voilà enfin en pays Sherpa.

Sherpa est à la fois un nom de peuple, un nom de famille et un nom de métier. Les Sherpas sont les habitants des vallées du Solu Khumbu au pied de l'Everest. Ce sont des pasteurs nomades de l'est du Tibet arrivés dans ces vallées il y a 500 ans environ. Comme ils viennent tous de la même région, ils portent presque tous le nom de Sherpa comme mon guide, Sonam Tshering Sherpa. Cela désigne aussi le nom du métier qui à tord est assimilé par les européens aux porteurs. Les Sherpas ne sont pas des porteurs, ce sont soit des guides, soit des assistants guide. Ils conduisent aussi des troupeaux de boeufs ou de Yacks pour le transport des marchandises. C'est un peuple de montagnards fiers et rudes à la tâche. Ils accueillent très chaleureusement l'étranger et des liens d'amitié se nouent très facilement avec eux. Il y a des Sherpas porteurs, mais la plupart des porteurs sont des habitants des vallées plus basses qui viennent offrir leurs services ne trouvant pas d'autre emploi.

Comme il n'y a aucune route, aucun chemin carrossable dans la montagne, tout est transporté à dos d'homme ou de boeuf sur les chemins au profils très cahotiques. Relativement bien entretenus sur les portions très fréquentées, les chemins deviennent de simples sentiers dans le reste de la montagne. Ils peuvent être de longs rubans réguliers de terre battue par les millions de pieds des autochtones et des trekkers, ou des chemins empierrés devenant souvent des escaliers aux marches irrégulières allant de 10 cm à 40 cm de haut, de plus d'un mètre à 20 cm de profondeur.

Sur la portion Lukla Namche Bazaar, c'est une véritable autoroute car c'est le seul couloir d'accés à la région du Sagarmatha National Park qui se divise ensuite en plusieurs vallées après le goulot d'étranglement au pied de Namche Bazaar. De longues files de trekkeurs venus de tous les coins du monde se mèlent aux files de porteurs, de locaux ou de troupeaux de boeufs porte-faix. Ces files croisent d'autres files redescendant vers la vallée ou vers Lukla.

Lukla est un point stratégique de la vallée car c'est le dernier aérodrome desservi par des petits avions de seize places venant de Kathmandou. Une partie des marchandises et quelques trekkeurs arrivent du bas de la vallée à pied, mais la majorité du trafic arrive par avion jusqu'à Lukla. A 2840 m d'altitude, la piste, très courte, à pente de 15% environ est face à la montagne. Le matin, c'est un ballet incessant d'avions arrivant de Kathmandou et repartant. A l'arrivée, les pilotes chevronnés réussissent à arrêter leur Zinc avant le mur de bout de piste et prendre le virage d'accès au parking, et au départ à l'arracher de la piste avant qu'il ne plonge dans le vide. Ce ballet est impressionnant à voir, les zincs moteurs hurlants à l'arrivée pour arrêter l'avion, ou hurlants encore au départ au moment de plonger sur la piste en pente afin de l'arracher du sol avant le grand vide.

Pendant tout le trekk, je serai surpris par les charges que portent les porteurs. Cela va de 60 kilos à plus de 120kg. Sonam a même vu un jour un porteur avec une charge de 160 kg! Ce sont de hommes de petite taille, menus, secs, noueux, souvent mal habillés et mal chaussés. ils sont souvent chaussés de mauvaises claquettes en plastiques, mais ils trottent aussi vite, voir plus vite que nous avec nos sacs allégés. J'en ai vu un porter 120l de fuel, un autre 32m de tubes acier de diamètre 50, plusieurs 16 à 20 panneaux de contreplaqué de 10mm de 2,50m x 1m. Sonam reconnaît lui-même que les charges sont énormes. Nous avons vu un porteur qui devait avoir pas loin de 70 ans. Autres types de charges impressionnantes: des piles d'oeufs. Ce n'est peut-être pas très lourd, mais bonjour l'omelette en cas de chute!

Au cours de ce premier trajet, je découvre de nombreux rochers gravés et peints de mantras qui sont autant de prières, ou peints de figures allégoriques. Nous en verrons beaucoup tout le long du trekk, jusque dans les plus hautes altitudes. Ce sont parfois des empilements de tablettes en pierre gravés de mantras ou de figures de dieux. Par endroit, des rouleaux à prière sont postés à la disposition des passants, d'autres sont mûs par les eaux des torrents. De temps en temps, des stupas,
des petits temples, des mémorials jalonnent le chemin. A chaque fois, nous en faisons le tour par la gauche.

Nous traverserons des villages, gentiment accueillis par les "namasté" des enfants aux joues rebondies et tânées par le soleil et le froid. Nous assistons à quelques scènes de la vie domestique du pays: pilage du grain, vente de viande descendant de la montagne à dos d'homme, bouses de vache ou de yaks applaties et séchant sur les rochers ou collées sur les murs en vue d'être utilisées comme combustible de chauffage ... Enfin, nous traversons à plusieurs reprises des cours d'eau sur des ponts de cables et caillebotis. Il ne faut pas avoir le vertige! De nombreuses banderolles de lungtas (drapeaux de prières) flottent au vent et égaient ce paysage.

Après trois heures de marche, nous arrivons à Phakding où nous passerons notre première nuit en lodge. Sonam s'est arrangé pour que j'ai une chambre avec cabinet de toilette et douche. Malheureusement, elle est froide (moins de 10°C!). Au cours de tout le trekk, Sonam s'est toujours arrangé pour que nous soyons "confortablement" installés et que nous ayons suffisamment de couvertures. A chaque fois, j'ai proposé à Sonam de profiter de la deuxième couchette, mais la plupart du temps, il allait dormir dans la salle commune avec les autres guides, ce qui fait que je récupérais le deuxième matelas. En effet, les lits sont de simples planches avec un matelas mousse de 3 à 5 cm d'épaisseur. Une fois, il faisait 8 cm, exceptionnel!

Les chambres des lodges sont souvent de simples cabines séparées les une des autres par une simple cloison de contreplaqué. Ces chambres ne sont pas chauffées, ni isolées. En fonction de l'altitude, il y fait de froid à très froid. Je n'avais pas de thermomètre, mais vu le givre sur les vitres le matin, et d'après Sonam, il devait faire de 0°C à - 10°C dans la chambre, voire peut-être moins. Les seules pièces qui sont chauffées sont la cuisine et la salle commune où un poêle en fonte trône au centre. Ce poêle a été, comme le reste, ammené à dos d'homme jusque là. Le feu n'est allumé que le soir, après le coucher du soleil. Il fonctionne au petit bois pour l'allumage, puis à la bouse de vache ou de yack séchée. Quand il n'y a pas de retour de flamme et donc de fumées, cela va, mais quand il y en a, une fumée âcre se répand dans la pièce.

Les menus sont à peu près tous les mêmes dans les différents lodges, ce sont des repas à base de riz dont le fameux Dal Bath, de pâtes, de pommes de terre (très bonnes!), de légumes (végétables), de pizzas. Je n'ai eu aucun problèmes intestinaux et j'alternais mes choix entre les pâtes pour l'énergie, le riz pour réguler et le reste pour varier. Pour éviter le mal des montagnes, Sonam m'avait conseillé le remède naturel et local: la "garlic soup", la soupe à l'ail. Tous les soirs de montée, j'en prenais donc un bol. C'est très bon, sauf une fois où c'était si épicé que je n'ai pas pu la boire. Sonam me l'a fait remplacer. Comme boisson, l'eau n'étant pas potable et que les consignes sont de beaucoup boire pour éviter le mal des montagnes (3 à 4 litres par jour), j'ai bu beaucoup de thé, environ 2 litres par jour!

A la nuit tombante, les nuages sont arrivés amenant froid et humidité, mais au petit matin, ils avaient tous disparus. Cela a été le cas chaque jour, nous avons eu un temps magnifique durant tout le périple. Il faisait si beau dans la journée que jusqu'à 4000m d'altitude environ, je marchais avec seulement un tee-shirt sur le dos. Au-delà de 4000m, je me suis peu à peu couvert car les températures étaient plus basses. Par contre quand le soleil se couchait, là il fallait sortir la polaire, voire la doudoune.

Le lendemain matin, nous repartons sur les coups de huit heures. Au cours de la matinée, nous atteignons l'entrée du parc national où nous devons nous acquitter d'un droit d'entrée de 1000 roupies. A midi nous faisons halte dans un lodge pour
manger un peu. La plupart des lodges sont construits en pierres de taille. Ces pierres sont si ajustées que je crois qu'elles sont taillées à la scie mais Sonam me démentit en me disant qu'elle sont taillées au burin et qu'il faut une journée pour tailler une pierre.

Après avoir repris le chemin, nous commençons à monter car nous devons monter 1000m environ pour atteindre Namche Bazaar. En chemin, nous croisons de temps en temps des troupeaux de boeufs aux cornes impressionnantes et superbes. Sonam qui a conduit des yacks pendant quelques années s'en méfie car il a déjà vu un boeuf ou un yack embrocher un passant au niveau de la cuisse. A chaque croisement il se gare et me fait garer côté montagne pour ne pas être projeté dans le vide par une bête. Il faut dire que le vide est parfois assez abrupte, une chute serait certainement fatale. C'est impressionnant de voir ces boeufs monter ou descendre les escaliers avec leur charge.

Au cours de ce premier tronçon de trekk, je découvre des paysages splendides et m'en remplit les yeux. Chaque tronçon aura ses paysages grandioses et magnifiques, je me régale. Le temps est si beau, l'air si pur que l'on a l'impression de pouvoir toucher les montagnes en tendant la main.

En arrivant à Namche Bazaar au bout de cinq heures de marche, à 3440m d'altitude, on a la surprise de découvrir un billard dans une petite maison au bord du chemin. Dire qu'il a été monté là à dos d'homme en pièce détachées puis remonté! Surprenant! Nous atteignons le lodge qui fait aussi musée. Une exposition de photos y présente la vie locale. Sonam a la surprise d'y découvrir une photo de sa mère, de sa grand-mère et de sa soeur prise il y a vingt-deux ans, peu avant la mort de son père. Au retour du trekk, passant par ce lodge, j'ai obtenu auprès du patron du lodge l'adresse du photographe (Suisse). J'essaierai d'en avoir des originaux pour Sonam et sa famille.

Une maison sherpa typique jouxte le lodge et sert de musée. Je la visite avec Sonam qui m'en explique les détails. Au rez de chaussée, on trouve l'étable et le stock de bouses de vaches ou de yack séchées. A l'étage, nous débouchons dans la cuisine disposée autour du foyer ouvert sous une hotte, les ustensiles en bois ou en cuivre rangés dans les rayons périphériques. La seconde pièce, très décorée, sert à la fois de salle de prière, de salle de réception et de chambre à coucher. A la périphérie, sur trois côtés, des banquettes couvertes de tapis servent de bancs et de couchettes. Elles font face à des tables traditionnelles sans vis à vis sur lesquelles quelques instruments de musique rituels sont disposés. Dans le quatrième
mur, un buffet vitré sert d'autel où les statuettes de dieux sont entourées d'objets de culte.

La douche de ce lodge étant chaude et normale, j'en profite car les douches froides ne sont pas mon fort. La chambre n'est pas trop froide et je passe une bonne nuit. Le lendemain matin, nous bénéficions d'une vue splendide sur la montagne enneigée en face.

Aujourd'hui première journée d'acclimatation. Nous restons tranquilles le matin. Namche Bazaar est construit dans un cirque au bord d'un plateau, nous allons faire un tour au point de vue qui domine le village. De ce point, nous avons une première
vue sur l'Everest. Le temps est si clair et pur qu'il ne paraît pas loin. Tout autour de nous des sommets dont certains enneigés, d'autres arides et très découpés. La vue est splendide. Je fais ensuite le tour du petit musée qui se trouve là. Puis, nous descendons faire le tour du village. Sur une place se tient un marché de tibétains venus à travers la montagne en plusieurs jours avec leurs yacks, chargés essentiellement de vêtements de qualité chinoise. A midi nous mangeons dans une petite échoppe typique sherpa. L'après-midi, nous reprenons nos sacs pour monter à Khumjung, le village de Sonam qui est 340 m plus haut mais où il y a moins de touristes. Nous l'atteindrons 2h30 plus tard.

Paris Bahrein Kathmandou (décallage horaire +4h45)

Me voici de retour sur la toile après trois semaines de silence. Silence un peu forcé pour diverses raisons, d'une part, je n'avais pas emmené mon portable durant mon périple en montagne, d'autre part, les liaisons internet dans ces contrées sont très difficiles. C'est le bout du monde! Cela se passe par satellite, sur énergie solaire, c'est très lent. Les liaisons sont donc à des prix exorbitants. Les deux fois où je me suis connecté pour voir ma boîte et envoyer deux courts messages, cela m'a pris quarante minutes et coûté huit euros.
Maintenant que me voila de retour dans des régions plus en avance, j'en profite pour relater un peu les péripéties de ce voyage. Il y a beaucoup de choses à raconter.

Tout d'abord, en arrivant à Roissy, une mauvaise nouvelle: ma place n'était pas prévue sur l'avion! La réservation était bien pour le jour dit, soit le 23 novembre, mais le billet était prévu pour le 24! Heureusement, il y avait encore de la place, ils ont donc corrigé l'erreur. Le voyage Paris Bahrein s'est bien passé, rien de particulier, nous avons survolé bien sûr à très haute altitude (11500m) la Suisse, l'europe centrale, la Turquie pour arriver à Bahrein où j'ai eu à attendre 5h30 la correspondance pour Kathmandou.
A Bahrein, on sent très nettement que nous sommes au pays du pétrole! Certes, il y a beaucoup de personnes en tenues musulmanes, mais surtout l'aéroport respire le luxe à outrance. Les sols sont en marbre, les boutiques duty free luxueuses où ils vendent des bijoux en or de plusieurs grammes pour ne pas dire kilos, des montres Rolex en or, des costumes de grand prix, etc.... C'est une galerie marchande pour millionnaires. La Rolex est vendue avec une remise de 10% à 34000 dollards US!

Le vol reprend à minuit trente heure locale pour arriver à 7h30 à Kathmandou. Les sept heures ont été réduites à 5heures puisque nous allons vers le soleil levant. Ayant la chance d'être du bon côté, j'ai pu assister au lever du soleil sur la châine de l'Himalaya et commencer à apercevoir ces montagnes mythiques. Un seul mot: splendide!
Puis nous plongeons vers Kathmandou et son nuage de pollution! L'aéroport est l'opposé de celui de Bahrein. Très rudimentaire, une piste au sommet d'une colline, un bâtiment très simple pour l'arrivée et le départ. L'avion se gare juste devant le bâtiment et l'on en descend par un escalier basique. Les formalités de passage en douane se passent relativement rapidement, obtention du visa de 30 jours contre monnaie. Dans la foule, je constate qu'il y a beaucoup de Français venus visiter ou faire un trekking. J'apprendrai plus tard que les Français sont les troisièmes parmi les étrangers venant au Népal. Enfin, récupération des bagages puis sortie du bâtiment. Comme convenu avec Sonam par mail, à la sortie une cloison vitrée retient les autoctones qui s'apprêtent à sauter sur les étrangers pour leur proposer leurs services: taxi, portage, hôtels, etc....
Derrière cette cloison, j'avise un jeune homme avec une pancarte "FRANCOIS". Je lui fais signe et nous nous retrouvons à la sortie. Il me prend mon sac et m'entraîne au milieu de tous les taxis et porteurs vers la sortie du parking et discute le prix du transport avec un chauffeur. Etant venu en moto, il nous précède et nous voilà partis à travers les "rues" de Kathmandou. Comme je vous le raconterai plus tard, c'est tout un poême! Le taxi est une petite fiat hors d'âge qui ne passerait même pas le contrôle technique en France, mais çà roule! Il cale plusieurs fois mais repart. En arrivant devant chez Sonam, dans une ruelle empierrée, Sonam s'arrête et paie le taxi: 350 roupies (3,50€).

Sonam m'invite à monter chez lui. Il est propriétaire d'un petit appartement en terrasse en haut d'un petit bâtiment de quatre étages. Il comprend une petite cuisine, deux pièces servant de salon et de chambre, le tout donnant sur une terrasse servant de salle de séjour. Dans un coin de la terrasse un bac permettant de faire vaisselle et lessive, un escalier permettant d'accéder à une deuxième terrasse servant de séchoir à linge et sur laquelle se trouvent les réservoirs d'eau. C'est le même principe qu'au Mexique, la pression de distribution de l'eau n'étant pas suffisante, il faut mettre en route une pompe pour remplir les reservoirs qui sont sur les toits. L'ensemble est assez sympathique et quand il fait beau, c'est agréable d'être sur la terrasse. Les sanitaires sont dans la cage d'escalier, à l'étage inférieur, en commun avec l'appartement du dessous. Une grille accordéon condamne l'accés à l'étage. Les sanitaires comprennent à la fois le wc, la douche (froide) et un lavabo. Le sol des sanitaires sert de bac à douche.

Sonam me met à disposition l'une des deux pièces. Très gentiment, il me propose de déjeuner et me sert un thé au lait, boisson traditionnelle au Népal, et un pudding à base de céréales arrosées de lait chaud. Il m'informe ensuite que nous sommes invités à déjeuner chez les parents de sa compagne. J'accepte bien sûr l'invitation. Nous commençons à faire connaissance et je lui remets l'enveloppe que François m'a confiée pour lui. Il me donne ensuite le programme qu'il m'a préparé: un circuit de 18 jours avec des altitudes variant de 3800m à 5550m! Ayant lu toutes les recommandations sur Lonely Planet ou internet, cela me fait un peu peur, je crains de ne pas pouvoir suivre et je crains surtout d'attraper le mal des montagnes qui peut être fatal. Bien que j'ai beaucoup marché durant mon périple précédent, je n'ai pas vraiment d'entraînement. Je lui exprime mon inquiétude, mais il me rassure en me signalant les phases d'acclimatation qu'il a prévues. Ok alors, c'est un défi à relever! Je lui fais confiance, il semble tellement sûr de lui. Je me rendrai compte très vite que j'ai eu raison, c'est vraiment un excellent guide.

En fin de matinée, nous nous rendons donc chez les parents de sa compagne. Ce sont des Népalais originaires du Bhoutan, Bouddhistes traditionnels. Quand nous arrivons chez eux, avant de monter à l'appartement, nous quittons les chaussures. En arrivant à l'étage, j'entends dans une pièce voisine des personnes en train de psalmodier. Sonam m'explique que ce sont des moines qui sont venus prier pour la famille. Pendant tout mon séjour Sonam sera vraiment un guide passionnant, il me fera découvrir la culture de son peuple. Nous sommes accueillis dans la salle de séjour, une grande pièce d'environ 30m², sur deux côtés, des banquettes recouvertes de tapis devant lesquelles des tables traditionnelles sans vis à vis. Un rideau sépare cette salle de la cuisine. Sur la gauche la porte de la pièce où les moines officient. Sonam me fera visiter cette pièce avant de partir, pièce traditionnelle servant à la fois de temple privé et de chambre des maîtres de maison. Un grand buffet avec les objets de cultes, une banquette avec les tables traditionnelles sur lesquelles sont ouverts les livres de culte, une grande banquette servant de lit. Dans toute maison bouddhiste, un coin prière est réservé avec images, statuettes, objets de culte, encens, etc....

Le maître de maison nous accueille et nous fait asseoir, il nous sert le thé d'accueil: thé au lait et au beurk (euh non! beurre) rance salé de Yak! Très spécial! Il faut s'accrocher! Je vous laisse imaginer! Non vous ne pouvez pas, c'est vraiment très spécial! Il ne faut pas refuser la première tasse, "je sers les ouies" et je déguste la première moitié de tasse. Ce qui incite bien sûr notre hôte à nous proposer de nous en resservir. Comme Sonam refuse poliment, j'en profite et fais comme lui. Ouf! de temps en temps, je trempe mes lèvres dans ce breuvage, mais ne le finirai pas. Les moines ayant terminé leur office, ils nous rejoignent pour manger.Les hôtes nous servent alors le traditionnel Dal Bhat, plat de riz accompagné de légumes, de viande et d'un bol de soupe aux lentilles qui sert à arroser le riz. Cela dépendra des préparations, mais ici, c'est la soupe qui est très épicées. Je ne m'en servirai donc pas. Mais c'est un plat qui est assez bon et j'en prendrai souvent durant le périple. Sonam veillera à chaque fois que ce ne soit pas trop épicé pour moi. L'assiette pas encore terminée, la fille de la maison passe pour en reproposer. Copieux et épicé, je refuse gentiment. Tant que les moines ont été là, il y a eu peu d'échanges entre les différents participants. Les hôtes ont attendu que les moines aient fini et soient partis pour se servir à manger. Sonam a alors discuté en Népalais avec les hôtes. Ceux-ci ne parlant pas anglais, il n'y eu aucun échange avec moi. C'était quand même intéressant de découvrir cette culture. Une anecdote: quand j'ai voulu aller aux toilettes, en chaussettes, j'ai constaté que les toilettes sont comme celles de Sonam, le sol sert de bac à douche, il est donc mouillé!

Après cette visite, Sonam commence à me faire visiter la ville. Il m'emmène voir la Stupa de Bodhnath, un lieu de pélérinage très fréquenté par les bouddhistes. C'est un dôme blanc surmonté d'un clocheton sur lequel sont peints les yeux de bouddha. Dans ce dôme, des reliques de grands maîtres du bouddhisme et les livres sacrés. Seuls quelques anciens peuvent y pénétrer. Les fidèles font le tour de la Stupa dans le sens des aiguilles d'une montre en actionnant les rouleaux de prières. Ce sont des cylindres évidés contenant des rouleaux de papier imprimés de prières. Chaque tour du cylindre effectué par une main ou par l'eau (ce que je verrai au cours du trekk), amplifie le nombre de prières envoyées. La taille de ces rouleaux varie de 5 cm à 5 m. A plusieurs endroits de la stupa, des banderolles de flags avec des textes imprimées flottent au vent. Sonam m'explique la signification de ces "Lungtas". Ces drapeaux contiennent des prières à destination des Dakinis qui sont comme des anges vivant dans le royaume du sans forme et volant dans les cieux. Le vent emporte les prières vers les Dakinis qui ont la capacité de nous aider à éliminer les obstacles de notre vie courante. Les cinq couleurs représentent les cinq éléments qui constituent le monde selon la tradition bouddhiste. Elles sont: le bleu pour l'air ou l'espace, le vert pour le vent, le blanc pour l'air, le rouge pour le feu et le jaune pour la terre. Autour de ce site, s'alignent de nombreuses boutiques au pied de jolies maisons très travaillées, beaucoup de boiseries sculptées ornent les façades. Un monastère et un temple font face à la stupa. Nous visitons le temple aux sculptures et peintures allégoriques magnifiques. Nous profitons des boutiques pour acheter un blouson et des gants fourrés en vue du trekk.

Lors de mon passage à Besançon, j'avais appris par JMInformatique que Cécile et Jérôme, deux jeunes partis faire le tour du monde et ayant réalisé le site Midi-ailleurs étaient à Katmandou. Par mail j'ai pris contact avec eux leur proposant de les rencontrer. Avec plaisir, nous avons pris rendez-vous le soir de mon arrivée. Lors de mon attente à Bahrein, j'ai vu qu'ils m'invitaient à les rejoindre à leur Hôtel, le Yellow House, pour partager le barbecue qui y était organisé. Vers 18h, Sonam et moi allons donc les rejoindre. La nuit tombant très vite après le coucher du soleil, il fait déjà nuit quand nous arrivons. La fourniture d'électricité étant insuffisante pour la ville, les quartiers sont alimentés à tour de rôle. Nous commençons la soirée à la bougie et ce n'est que vers 19h que la lumière est arrivée. Je fais donc connaissance avec Cécile et Jérôme. Ce sont deux jeunes très sympathiques de 23 et 32 ans partis pour un an autour de la planète. Nous passons une agréable soirée.

Le lendemain, Sonam m'emmène visiter le temple de Swayambhunath surnommé Monkey Temple car il abrite une importante tribu de singes facétieux qui amusent visiteurs et fidèles. L'édifice principal est perché au sommet d'une colline, on y accède par un long escalier droit de plus en plus raide. Important site Bouddhiste depuis le 13° siècle,il couvre en fait l'ensemble de la colline. Au pied, un premier temple nous accueille avec des statues géantes et divers édifices. Un mur d'enceinte ceint le pied de la colline avec des rouleaux à prières tout du long. Nous en faisons le tour et au cours du périple, nous rencontrons des tailleurs de pierrre sculptant des mantras sur des cailloux, des pavés ou des rochers. Arrivés aux escaliers, nous les gravissons et découvrons la vue que l'on a depuis ce site sur l'ensemble de la ville de Kathmandou, ville immense couverte d'un nuage de pollution. Nous faisons le tour du temple supérieur bercé par le mantra "Om Mani Padme Hung", nous assistons à la prière des moines dans l'un des temples. Nous redescendons la colline par un autre chemin, ayant fait le tour de l'ensemble dans le sens des aiguilles d'une montre.

Sonam m'emmène ensuite dans un haut lieu de l'indouhisme, le temple de Pashupatinath sur les berges de la Bagmati, une rivière sacrée aux eaux fangeuses. Ce lieu est un lieu très recherché parles indhous pour les crémations. Ils lavent le défunt dans les eaux glauques de la rivière avant de le déposer sur un bûcher. Quand nous y passons il y a justement un office en cours. Sonam m'explique les rites. Sur l'autre berge de la rivière se dresse onze chaityas (petits stupas) contenant chacun un lingam (symbole phallique du pouvoir créateur de Shiva).

A la nuit tombée, Sonam m'emmène à la Stupa de Bodhnath car il paraît que la nuit, la procession des pélerins autour de la stupa est intéressante à voir. Malheureusement, quand nous y arrivons, ce n'est pas l'heure d'éclairer ce quartier, nous ne voyons donc pas grand chose. Nous nous installons tout de même à la bougie sur la terrasse d'un petit restaurant en toiture, et nous dînons à la chandelle! Puis retour au domicile pour nous préparer, demain nous prenons l'avion pour Lukla.

Dès le début, pour les déplacements dans Kathmandou, Sonam m'a proposé soit de prendre un taxi, soit d'aller en moto. Vu la petite expérience de la circulation entre l'aéroport et son domicile, je choisis la moto pour des raisons de simplicité, de facilité et d'économie. Il s'avère que la circulation à Kathmandou est vraiment épique. Déjà, les rues sont dans un état lamentable. Certaines sont goudronnées, d'autres l'ont été et ne le sont plus, d'autres sont des chemins bourrés d'ornières, c'est sale, les tas d'ordures jalonnent les rues. La circulation y est très intense et l'on y trouve bien sûr, camions, bus, motos, vélos (qui servent aussi au transport de marchandises!), mais comme il n'y a quasiment pas de trottoirs, au milieu des engins, on y trouve piétons, vaches, chèvres chiens, poulets, etc... Comme tout le monde veut passer, chacun se faufile en slalomant et klaxonnant (sauf les vaches bien sûr! mais elles restent zen là au milieu, slalomant ou couchées au milieu de la rue entre deux plots). Il y a très peu de signalisation et quand il y en a, elle n'est pas respectée, même les sens interdits. Les seuls signaux que les gens respectent, ce sont ceux des policiers. Mais ceux-ci assistent passivement à ce joli méli-mélo. De temps en temps ils interviennent dans les gros carrefours pour réguler les flux, un agent se met au milieu pour indiquer l'ordre de passage et à chaque rue un autre agent le seconde pour faire respecter l'ordre. Et tout d'un coup, de temps en temps, on trouve au milieu de ce capharnaüm un ouvrier, outil à la main, en train de creuser ou réparer un peu la chaussée, sans signalisation ni barrière, zen lui aussi.

Comme les Népalais se déplacent beaucoup sans avoir beaucoup de moyens, les moyens de transport sont de plusieurs types:
- les cyclopousses, utilisés essentiellement par les touristes
- les vélos d'abord; archaïques mais robustes, ils sont souvent modifiés pour transporter des charges: bidons d'eau, bouteilles de gaz, légumes et fruits, oeufs, etc...
- les motos très nombreuses de cylindrées moyenne de 150 cm3, elles sont toutes équipées de protections au niveau des jambes. Sur celles-ci, il y a des tétons auxquels les conducteurs accrochent les sacs plastiques des courses qu'ils viennent de faire. Leurs sacs plastiques sont bien plus costauds que ceux que nous trouvions dans nos grandes surfaces.
- On trouve ensuite les taxis. Qu'ils soient officiels ou non, ils pratiquent tous la même startégie. Ils sillonnent les rues et interpellent les clients, en particulier les étrangers, pour leur proposer leurs services. Comme ils n'ont pas tous de compteur, ou qu'ils ne fonctionnent pas correctemment, il faut toujours définir le prix avant la course..
- Ensuite, vient la catégorie des taxis collectifs en commençant par les triporteurs qui ont normalement une place à l'avant pour le chauffeur et environ six places assises vis à vis à l'arrière. Bien souvent, le chauffeur a une ou deux personnes à côté de lui, et à l'arrière une dizaine de personnes s'entassent, sans compter le rabatteur qui est debout sur le marche-pied, rameutant le client dans la rue et donnant les ordres de départ ou d'arrêt au chauffeur en tapant sur la carrosserie. Il y a parfois un ou deux clients debout sur le marche-pied à côté du rabatteur.
- il y a ensuite le véhicule type toyota à quatre banquettes soit douze places, chargé à vingt personnes sans compter le chauffeur, le rabatteur et les deux clients accrochés au marche-pied
- on trouve enfin les bus, alors là, j'ai renoncé à compter car je ne connaîs pas le nombre de places théoriques, mais j'ai vu des clients assis en tailleur sur le capot moteur à côté du chauffeur ou assis sur le toit du bus.

Pour ces moyens de transport collectifs, on trouve toujours la même technique: le chauffeur ne s'occupe que de conduire, de se faufiler dans le flot de circulation. Un rabatteur interpelle les piétons pour trouver des clients. Quand quelqu'un est intéressé, il tape sur la carrosserie pour que le chauffeur s'arrête et retape pour le faire repartir. Quand un client veut descendre, même technique. Il n'y a pas vraiment d'arrêt de bus régulier. L'objectif du rabatteur est de remplir au maximum le bus. Tant que quelqu'un peut monter et s'accrocher quelque part, il y a de la place. Quand dans certains embouteillages il faut manoeuvrer, le rabatteur sert de guide .... en tapant sur la carrosserie! Ce rabatteur a toujours une poignée de billets à la main car il encaisse au fur et à mesure et tout se paie en billets. Quand on retire de l'argent, on n'obtient que des billets de 1000 roupies. D'ailleurs, pour payer mon billet d'avion de Kathmandou à Penang, j'ai dû retirer quarante billets de 1000 roupies.

Pendant nos promenades en moto, j'en ai profité pour regarder autour de moi. Les maisons de Kathmandou sont soit miteuses, soit très belles avec de jolies façades très travaillées. Les Népalais aiment bien décorer leurs maisons mais aussi leurs véhicules. Les bus, les camions sont très décorés, les cabines souvent modifiées pour leur donner un autre aspect très recherché.

La pollution est telle à Katmandou que le nuage est visible en permanence. On ne distingue même pas les collines et montagnes environnantes. La plupart des gens se promènent avec un masque tissu sur le nez. Le premier jour les yeux me piquent. A notre retour de trekk, j'ai eu l'impression de venir d'un autre monde. Mais le trekk, c'est un autre monde, une autre histoire.