Arrivé jeudi soir à Roberval, je pensais ne rester que deux jours, mais j’ai reçu un accueil si chaleureux de la part des habitants du lac St jean que je suis resté une journée de plus. Pour les repas du soir de vendredi et samedi, je me suis inscrit au gîte : « Tout à Vallée » (jeu de mot : Francis s’appelle Vallée et fait remarquablement la cuisine). Mais avant de parler de mes soirées, parlons de ce que j’ai visité durant ces trois jours.
Vendredi, je commence déjà ma journée par un excellent petit déjeuner typique du Lac ST Jean préparé par Francis : omelette avec des pommes de terre, des tomates et des toasts. Marie-Claude, une jeune pâtissière en stage chez Francis m’a préparé un chocolat sublime. Puis je pars visiter le village fantôme de Val Jalbert. C’est un village qui s’est construit autour d’une usine de pâte à papier, au pied d’une belle chute plus haute que les chutes du Niagara. Quand l’usine a fermé, le village s’est peu à peu vidé et a été abandonné. Depuis quelques années, quelques maisons ont été restaurées pour montrer la vie de l’époque et une animation en costume d’époque, et avec l’accent et les expressions, fait vivre les lieux principaux tel le magasin général et le moulin à papier. A côté, quelques maisons abandonnées et tombant en ruine donnent l’occasion de faire quelques belles photos. Ce village était très en avance pour l’époque, les ouvriers bénéficiaient de maisons très modernes et d’aides sociales très avant-gardistes. En 1920, elles avaient toutes l’eau courante, le tout à l’égout, le chauffage central…
La visite du moulin des pionniers à La Doré complète la journée car il présente la vie autour d’une ancienne scierie actionnée par l’eau de la rivière. Elle a fonctionné jusque dans les années 1980. Gonzague la fait fonctionner et fait une démonstration de sciage de long, d’équarrissage et de rabotage, puis de fabrication de bardeaux en mettant en route les turbines actionnées par l’eau du torrent qui arrive par une canalisation en bois. Il nous emmène ensuite dans le sous-sol de l’atelier pour voir les poulies, courroies et roues dentées dont certaines sont en bois. Ti Thur à son tour donne quelques explications sur la migration des saumons car nous sommes au bord d’une rivière à saumons, et sur la drave car il a pratiqué ce dangereux métier durant une saison. Marie présente sa maison, une petite maison datant de 1900 dans laquelle de nombreux objets de l’époque donnent l’impression de faire un saut d’un siècle en arrière.
Le lendemain, Francis s’étant couché très tard, c’est Marie-Claude qui me bichonne un régal de petit déjeuner : chocolat sublime, crêpes et toasts poêlés. Je commence la visite du parc animalier de St Félicien par la promenade en petit train. Là, les animaux sont en liberté, et c’est nous qui sommes en cage. Dans un paysage du far-west où sont reconstitués des campements, fortins, postes de traite des fourrures, camp d’indiens, nous voyons évoluer : bisons, cerfs, orignal, buffles, caribous, ours noirs, loups, chiens des prairies. Cette promenade d’une heure est le clou de la visite de ce zoo très particulier. Les enclos où d’autres animaux sont parqués sont très vastes et sont des morceaux de terrains naturels, arborés ou reconstitués. On peut profiter du moment de nourrissage des animaux pour pouvoir en voir certains car ils peuvent se cacher facilement. Les heures passent vite dans ce parc, c’est magnifique.
Sur le chemin du retour au gîte, je m’arrête au musée de Mashteuiatsh. Nous sommes dans une réserve indienne Innu et ce musée présente ce peuple, ses coutumes, son mode de vie et quel a été son évolution depuis la venue des blancs. L’hôtesse d’accueil est une Iroquoise qui a épousé un Innu et qui est donc venue s’installer avec son mari. Quand on se promène dans Mashteuiatsh, on n’a pas l’impression d’être dans une réserve : extérieurement, les maisons ne diffèrent pas des autres maisons du Québec, mais quand on discute avec eux, on comprend mieux la différence. Après un petit film présentant le peuple et le problème indigène, l’hôtesse a très gentiment répondu à toutes mes questions. Le problème des autochtones n’est pas encore complètement résolu. Il y a encore des discriminations qui existent. Ce n’est que depuis peu que le gouvernement fédéral a reconnu ses erreurs passées, mais il y a encore du travail sur la planche. A la fin de la visite, comme elle a vu que je m’intéresse vraiment à la question, elle me remet un document qui présente bien tout le problème.
A la fin de chacune de ces deux journées, je rejoins le gîte pour dîner. Francis m’accueille et ne me laisse pas seul. Le Vendredi soir, il met à la même table que moi Louise et Lise, deux femmes très sympathiques avec qui je passe un bon moment très agréable. Le Samedi soir, son oncle et son épouse, Chantal, Josie et Clélia sont mes voisins. Chantal est professeur de français, écrivain et journaliste, très intéressante, Josie est une jeune femme étudiante en journalisme et logeant au gîte pendant son job d’été à la radio, Clélia est une de ses amies. L’oncle de Francis a un accent à couper au couteau, j’ai un peu de mal à tout comprendre. A chaque fois, Francis me présente comme son « premier chambreur officiel ». Comme il vient d’ouvrir et que toutes ses chambres ne sont pas terminées, je suis effectivement son premier client. Quant au repas, à chaque fois, la formule est la même, il n’y a pas de choix de menu et on ne participe que sur réservation : quand Francis connaît le nombre de convives, il achète le matin même les produits frais nécessaires, directement chez les producteurs (plutôt à tendance bio), et il prépare le repas au fur et à mesure, devant nous. Il faut donc être là à l’heure et il ne faut pas être pressé, mais c’est très convivial. Les plats arrivent et nous sont présentés quand ils sont devant nous, c’est la surprise à chaque fois, mais quelle surprise, …. C’est tellement bon ! A la fin de la soirée de vendredi, Chantal, Francis, son oncle et son épouse, Marie-Claude, Josie, Clélia, Maxime le serveur et son collègue, partent faire le tour des bars de Roberval et ils m’entraînent avec eux. On commence par un bar avec karaoké. Chantal se déchaîne et chante plusieurs chansons en alternance avec d’autres convives. Ils sont tous assez doués, je dois le reconnaître. A un moment, ils veulent tous que j’y aille, mais moi je ne suis pas doué pour ce genre de chose. Finalement Maxime m’entraîne et nous chantons ensemble du Brassens : « le pornographe » choisi par Maxime. Heureusement que sa voix porte bien car je ne suis pas très à l’aise. Nous partons ensuite dans un autre bar où des jeunes femmes font un enterrement de vie de jeune fille. J’ai droit à des bises bien marquées ! Dans le bar suivant, Francis me fait remettre un chapeau de cow boy avec des flèches. Là, il me présente Jean-François, un métis, Innu par son père. Il est là avec son ami Dany, Innu aussi et avec qui il trappe en hiver. Jean-François me propose de me faire visiter la maison de son oncle qui abrite de nombreux objets typiques. J’accepte bien sûr et décide de repousser mon départ de vingt quatre heures.
Le lendemain matin, c’est Marie-Claude et Josie qui nous préparent un succulent petit déjeuner comme la veille. Jean-François nous rejoint et nous déjeunons tous ensemble. Jean-François m’explique ce qu’il fait et sa démarche. Il a interrompu ses études pour travailler et élever ses enfants, mais maintenant que son épouse est partie avec les enfants, il va reprendre ses études car il veut enseigner dans sa communauté pour faire progresser les jeunes de son peuple. Il m’explique les difficultés qu’ils rencontrent, les coutumes qu’ils veulent garder ou redévelopper. Après le déjeuner, nous partons tous chez son oncle Robertson. Bien qu’ayant eu un ancêtre écossais, c’est un Innu qui fait la traite des fourrures, et il tient une auberge accueillant des touristes. Cette auberge est décorée de nombreux articles fabriqués, sculptés ou peints par son peuple. C’est l’occasion d’un échange très sympathique et surtout très enrichissant.
Jean-François veut ensuite nous faire découvrir un aspect caché de la nature. Il nous emmène dans le parc de Val Jalbert et nous remontons le torrent par des sentiers forestiers jusqu’au dessus de la seconde cascade, puis il nous conduit à travers la forêt vers des canyons très étroits creusés par la rivière. Cela devient même des galeries souterraines. C’est assez impressionnant de voir d’ailleurs l’eau s’y engouffrer bruyamment. A un moment, je ne les suis pas car il faut être souple et je ne le suis plus trop. D’ailleurs, il m’arrive de glisser et je me retrouve les fesses dans l’eau et l’appareil photo en profite ! En rentrant je le démonte partiellement et avec le sèche-cheveux de Josie je peux le sécher et le sauver, heureusement. En rentrant, comme le restaurant fait relâche, je vais dîner sur le port.
Le lendemain matin, je prépare mes affaires pour partir et attend Francis pour régler l’addition. Vers neuf heures, c’est Marie-Claude qui descend et m’apprend qu’il n’y a personne. Connaissant les prix, je fais donc mon compte, laisse une enveloppe avec un mot de remerciements à Francis et quitte l’hôtel. Je me dirige vers Saguenay et longe la rive sud du fjord en direction du site de la Nouvelle France. C’est un site qui ressemble beaucoup à ce que devait être le site de Québec à l’arrivée de Champlain. Un metteur en scène y a donc construit un village de l’époque pour y tourner un film. Des séries télévisées en ont profité, puis plutôt que de le détruire, la commune l’a récupéré et le fait visiter avec une animation par des gens en costume d’époque. C’est très réussi : ils nous accueillent comme de nouveaux colons arrivant de France et nous présentent la vie dans ce nouveau monde. Ce sont de véritables comédiens qui se prennent bien au jeu et c’est assez vivant, instructif, réaliste et plein d’humour. Avec leur accent du terroir et leurs expressions, je ne peux m’empêcher de les filmer, cela vaut vraiment le coup. A la fin de la visite, il y a même un campement autochtone avec une femme ayant des origines Innu et qui s’intéresse tellement à la question qu’elle a eu à cœur de fabriquer des ustensiles comme à l’époque.
Je reviens sur Chicoutimi pour visiter le musée installé dans l’ancienne usine de pâte à papier. Il y a en particulier une exposition sur la vie de l’usine. Dans une autre salle, ils ont ramené la maison d’un artiste « naïf ». Comme le facteur Cheval qui avait construit son palais à base de pierres de récupération, cet homme, barbier de son état, a entièrement peint les murs de sa maison de peintures naïves sur la vie autour de lui. D’autres toiles de ce peintre reconnu sont exposées autour. En sortant du musée, j’avise un homme en arrêt au pied d’un talus et prenant des photos d’une touffe d’herbe. Cela m’intrigue et quand je passe près de lui, je lui demande ce qui se passe. Il me montre alors une marmotte qui tranquillement nous observe. Je m’en approche et la prend en photo. Craintive elle se cache sous de grandes feuilles, mais quand elle voit que je ne suis pas agressif, elle reprend ses activités à trois mètres de moi tout en me surveillant. Après cet intermède, je visite la « petite maison blanche », une petite maison de bois sur fondations en béton qui a été endommagée en 1996 lors du débordement du barrage qui se trouve derrière, mais qui a vaillamment résisté à des torrents d’eau comparables aux chutes du Niagara alors que toutes les maisons alentour ont été emportées. Symbolisant le déluge qui avait été dramatique et avait coûté une fortune à l’époque, la ville l’a transformée en musée.
Je reprends ensuite la route en suivant le fjord par la rive nord. Je m’arrête à Ste Rose du nord, un joli petit village en bordure de l’eau pour passer la nuit dans un camping. Le cadre est magnifique, on se croirait en Norvège avec les maisons en bois, peintes en blanc ou pastel et au toit rouge, la montagne qui tombe brutalement dans la mer avec des arbres jusqu’au bord de l’eau, une eau bleue et calme…. C’est très romantique et pousse à la rêverie.
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