mercredi 18 janvier 2017

Le tour du Caillou

Le 26 au matin, je pars donc faire le tour de la Grande Terre surnommée aussi « le Caillou ». le temps est un peu couvert, ça va, mais la météo n’est tout de même pas très favorable. Je commence par Païta avec ses pétroglyphes dans un ruisseau. Un vrai jeu de piste pour les trouver : pas de panneau, terrain envahi par les herbes, ordures dans le ruisseau, ce n’est pas mis en valeur et c’est bien dommage. Très souvent, je ferai le même constat. Il y a des choses à voir, mais ce n’est pas balisé, c’est abandonné, c’est envahi par la végétation, c’est vandalisé, bref, c’est dommage. Je pensais camper ou trouver un hébergement sur Farino ou le secteur de La Foa, mais la pluie, abondante, est de la partie dans la soirée.

Pour passer la nuit, je me rabats finalement sur l’auberge de jeunesse de Bourail, à la plage de Poé. J’y avais passé la nuit lors de ma ballade de la ponte des tortues. Elle est récente, très bien conçue, bien située et très propre. Par ailleurs, la responsable est très accueillante et sympathique. Malheureusement, l’auberge étant pleine, je ne peux que planter la tente pour les deux premières nuits, la troisième, je bénéficie d’un lit en dortoir de quatre. Ces deux nuits sont celles qui sont bien arrosées, la tente est trempée.

Durant ces trois jours, je fais le tour de tout ce qui est à voir dans le secteur de La Foa, Boulouparis, Moindou, Bourail, il y a des choses intéressantes et d’autres moins. A La Foa, c’est la passerelle Marguerite, type construction Eiffel qui nous accueille,
derrière l’office du tourisme se trouve un parc avec des totems kanaks.
A Bourail, je fais le tour de la plage aux tortues avec ses pins colonnaires, la plage de la roche percée et son bonhomme de Bourail, un rocher en forme de bonhomme Michelin,
les différents bâtiments de la période coloniale et pénitentiaire,
le musée racontant à travers plusieurs vitrines très intéressantes l’histoire de la colonisation,
le fort Téremba avec ses expositions sur la pénitentiaire et la révolte Kanak…..

Compte tenu de la météo, je planifie une ballade de trois heures dans le parc des fougères le mardi matin. Bien m’en prend, c’est la seule demie journée où il ne pleut pas. Le jeudi, après la visite de Bourail et de ses trésors, je file vers le nord.
La route traverse toute une région aride, sauvage semblant inhabitée. Des panneaux indiquent de temps en temps « tribu de ….. » ce qui prouve que cette terre en friche est tout de même habitée, mais on ne voit quasiment rien. De temps en temps, parsemées dans la brousse, des maisons coloniales apparaissent au sommet de collines. Les occupants ne risquent pas d’être dérangés par les voisins.
Les domaines sont immenses et sont surtout tournés vers l’élevage. Le déplacement des troupeaux se fait à cheval et les broussards sont appelés stockmen, cowboys des temps modernes. L’occasion m’est donnée parfois de bavarder avec des caldoches. L’un était descendant de bagnard et sa gouaille me rappelait les « tontons flingueurs », le second était descendant de colons, il m’a parlé les difficultés d’exploitation : sécheresse, dureté du climat, cyclones,….
Au passage, je découvre la plaines des Gaïacs. C’est un site où les américains ont construit un aérodrome durant la dernière guerre mondiale. Sur la colline qui domine la plaine, un monument commémoratif a été édifié, mais il est complètement abandonné et vandalisé.
A l'inverse, le cimetière Néo-Zélandais de Bourail est parfaitement entretenu.

Le petit village de Pouembout recèle quelques vestiges : une maison appelé pigeonnier, un « château », vaste demeure coloniale, une ancienne locomotive voie de 60. Koné est le siège du parlement de la province nord et son hôtel de région est précédée d’une case traditionnelle splendide qui trône au centre d’un rond-point. A Voh, il y a le fameux cœur de Voh rendu célèbre par Arthus Bertrand. Je ne l’ai pas vu car pour pouvoir le voir, il faut monter à pied sur une montagne (5h de marche) or il est un peu tard pour le faire et il fait très chaud.
Pour passer la nuit, je fais halte au refuge du cerf, un gîte qui fait de l’élevage de cerf. Il est situé au sommet d’une colline et de la piscine, on domine toute la plaine avec vue jusqu’à la mer. L’hébergement est en demi-pension, nous sommes une quinzaine de convives, l’accueil est chaleureux, le repas est excellent, l’ambiance sympathique, le camping rustique….
Le lendemain, ma route continue et passe par Ouaco, quelques vestiges d’une conserverie sans intérêt car en friche et en ruines, la baie de Gomen et le cap Deverd où se dresse un monument commémorant la première liaison télégraphique avec l’Australie par câble sous-marin. Encore un jeu de piste pour découvrir une pauvre stèle perdue au milieu des broussailles et qui n’a pas dû être visitée depuis ….. 2009 ! en effet, simplement posés sur les divers poteaux de ce « monument », je retrouve des moulages plastiques gravés avec les noms d’enfants de CM1 de 2009…. Sans intérêt.
Tout au long de cette route, je traverse des zones où l’exploitation minière laisse des traces phénoménales : des pistes de terre larges et immenses, des morceaux de montagne rabotés, des coulées gigantesques sur les flancs ravinés, laissant de grandes plaies béantes et saignantes dans le massif.
J’arrive à Koumac  avec sa jolie petite église Ste jeanne d’Arc en carène de bateau, ses jolis vitraux et son mobilier en sculptures traditionnelles. A l’est de Koumac une petite visite s’impose vers ses grottes aux draperies minérales et surtout ses roches de Notre-Dame. Au bord de la transversale qui relie les deux côtes, ce curieux massif karstique qui dresse en pleine forêt ses falaises à pic et déchiquetées est équipé de nombreuses voies d’escalade et sert de terrain de jeu au club d’escalade de Koumac.
Je file vers l’extrême pointe nord de la Nouvelle Calédonie, Pointgam où j’ai réservé deux nuits et deux soupers dont la soirée du réveillon. Terrain de camping et gîte perdu au bout du monde, face à la mer et aux dernières îles du territoire. Il est tenu par Jean, un français soixante-huitard qui est venu s’y installer il y a quelques dizaines d’années et qui a épousé une mélanésienne.
Pour améliorer ses revenus, il a développé les seuls marais salants du pays et une distillerie d’huiles essentielles. Bosseur infatigable et vrai « Géo Trouvetou », il a conçu et construit un bateau  fonctionnant uniquement à l’énergie solaire et avec lequel il a fait le tour de la Nouvelle Calédonie. Camping assez rustique, le cadre est très beau et on se croit vraiment au bout du monde. Malheureusement, l’anti-moustique est indispensable car ils sont légion dans la zone. Je m’installe et dîne avec une vingtaine de pensionnaires. Repas excellent, l’ambiance est très sympa et je fais connaissance d’un couple dont le mari, Didier, est un ancien commandant des Troupes de Marine qui a pris sa retraite sur place et a créé la distillerie de Nessadiou. Vieux briscard à la gouaille typique des coloniaux, nous passons une soirée très sympa au cours de laquelle il me raconte ses « campagnes » et ses frasques.
La journée du 31, je fais le tour du parc du gîte, des bords de mer et des marais salants avec comme seuls compagnons un soleil brûlant et des moustiques voraces. Le soir, avec une quinzaine de pensionnaires, Didier et son épouse, nous participons au réveillon. Le repas est excellent : trois entrées dont langoustes et huîtres, cerf rôti à la broche, dessert glacé…. Comme plusieurs convives ne sont pas friands des huîtres, Didier et moi ne nous faisons pas prier pour les terminer.
Réveillé de bonne heure par le soleil, je reprends la route en direction de l’Est. J’ai prévu deux étapes pour la partie Nord de la côte Est sachant que le secteur de Houaïlou et Canala n’est pas recommandé en ce moment, c’est chaud! Jean et Didier, amis de longue date m’ont bien invité à venir manger des huîtres avec eux à midi, c’est tentant, mais il faut alors que je renonce à faire la côte Est. Et que vais-je faire toute la matinée? Je préfère donc poursuivre.
Les tours de roues me font traverser la pointe nord. A Ouégoa, par hasard, je découvre les vestiges d’un ancien fort. Son existence est mentionnée nulle part alors qu’il en reste quelques vestiges intéressants comme les remparts et le magasin à poudre bien conservé. Cela fait plusieurs fois qu’en fouinant je découvre des choses intéressantes non répertoriées alors que des « choses à voir » ne sont pas visibles ou sans intérêt. Le guide de la Nouvelle Calédonie serait à revoir.
A Ballade, des monuments commémorent l’arrivée des premiers missionnaires, le rattachement de la Calédonie à la France et la volonté indépendantiste des kanaks.
Le relief de la côte Est est complètement différent de celui de l’ouest. A l’ouest des plaines et collines arides viennent mourir sur des plages infinies ou des mangroves. A l’Est, la montagne descend brutalement dans la mer et la végétation est luxuriante. Plusieurs cascades dévalent les pentes et zèbrent les flancs de la montage.
La route qui serpente au pied de la montagne, coincée entre la mer et le versant, s’interrompt brutalement avant Hienghène, un bac permet  le franchissement de la rivière assez large à cet endroit.
L’arrivée sur Hienghène est marquée par une vue splendide sur la baie et la « poule couveuse » de Hienghène. Une île dans l’estuaire a la forme caractéristique d’une poule en train de couver. La ressemblance est stupéfiante. Le rocher voisin est le sphinx, mais il faut un peu plus d’imagination pour faire le parallèle. Après Hienghène, une suite de roches karstiques se dressent au bord de la mer avec des falaises abruptes et déchiquetées comme les roches de Notre dame de Koumac, les Lindéraliques, du nom de la tribu qui vit au pied. Je plante ma tente au camping de Babou. Camping très rustique mais en bord de mer.
La nuit, le ciel déverse à flot ses eaux, détrempant tout le secteur. Je me lève de bonne heure, réveillé à cinq heure et en attendant l’ouverture de l’accueil pour régler mon obole, je vais faire le tour des Lindéraliques. Vu le temps et l’état des chemins, il n’est pas question d’en suivre le sentier qui monte au sommet des rochers.
La route reprend et peu à peu les pentes s’adoucissent. A plusieurs endroits sur cette face, des missions datant du XIX°s et toujours en activité occupent des replats à l’embouchure de rivières. Ces missions sont toutes du même type, une petite église ou chapelle dont  certaines sont assez jolies, des bâtiments scolaires et  des bâtiments d’habitation : Ballade, Waré, Touho, Tié. A Touho, l’église est en pleine restauration. A Touho, un fort avait été construit en 1862 pour protéger la mission. Il appartient à un caldoche et est visible, mais il en reste moins que dans celui de Ouégoa.
Tout au long de cette route, on trouve souvent un petit étal où quelques produits sont à vendre : quelques fruits ( mangues, bananes, pommes lianes), quelques légumes (tarots ou ignames), voire des boutures de plantes, mais il n’y a personne derrière l’étal, il est vrai qu’il y a peu de passage. Les prix sont marqués et une boîte est là pour y mettre l’argent. Il faut donc avoir l’appoint ou laisser la monnaie.

Comme le secteur chaud est après Pointdimié, je reviens sur Nouméa pour repartir le lendemain sur Thio, un village très marqué par les extractions minières. Il paraît que le musée de la mine est intéressant, malheureusement, il est fermé à cause des fêtes de fin d’année. Les montagnes sont passablement meurtries, des vestiges du bagne et de l’ancienne exploitation existent : ruines de l’usine de fusion, de la fonderie, maison du directeur de la SLN.
Le cimetière japonais est assez émouvant avec toutes ses tombes aux inscriptions caractéristiques. Bien entretenu, il jouxte le cimetière actuel. Les cimetières en Nouvelle Calédonie sont souvent très fleuris avec des fleurs artificielles qui doivent être renouvelées souvent car elles sont belles et paraissent fraîches. Les tombes, chrétiennes ou pas, sont souvent agrémentées de sculptures kanaks, de morceaux de tissus, de symboles.
Dans le secteur de la mission, le terminal de chargement des barges de minerai étend ses bras aux bandes transporteuses vers la mer.
Sur la route avant Thio, des pétroglyphes sont parfaitement visibles. Ce sont des gravures très anciennes dont on ne connaît ni l’origine, ni l’époque, ni la signification. Mon périple nord se termine, je rentre donc à Nouméa, demain, je prends l’avion pour les îles.








Album photo:    https://goo.gl/photos/pYwoX8HoHwiQZcdVA

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