Le lendemain jeudi 4 août, nous nous levons bien reposés et commençons la journée par la célébration de la messe, en plein air, dans la cour de l’auberge, avec en fond de tableau les falaises du cirque. Bien qu’étant orthodoxes, la patronne de l’auberge et les employés se joignent à nous, nouveau moment privilégié de paix et d’unité. Après le déjeuner, nous repartons en direction de Braşov. Aujourd’hui sera une longue journée de route sans grand intérêt si ce n’est au début et à la fin. Nous passons par les gorges de Bicaz, spectaculaires par leur étroitesse et leur profondeur, laissant peu de place à la route et au torrent. Après une montée en épingle à cheveux, nous atteignons le Lac Rouge. Formé par un effondrement de terrain en 1837, il doit son nom aux alluvions chargés d’oxyde de fer donnant paraît-il une couleur rouge. Pour l’heure il est bien vert. Serpentant au pied de reliefs pentus et boisés, il laisse apparaître des troncs de conifères morts qui se dressent au-dessus de l’eau. Site de cartes postales, il est un lieu très touristique. Nous faisons la pause déjeuner dans une guinguette où nous mangeons quelques spécialités locales.
Après une longue route relativement bonne pendant laquelle la plupart des passagers se sont assoupis, nous atteignons Braşov, jolie ville fortifiée construite au pied des Carpates, deuxième ville du pays, ancienne capitale marchande du « pays saxon ». Nous y retrouvons Ariadna, une amie de Christine et Carmen, roumaine ayant épousé un bisontin et qui est en vacances chez ses parents. Elle nous fait faire un tour en ville pour nous en faire découvrir les joyaux de style baroque et construits autour de la place du conseil dite Sfatului. Au centre de cette place trône l’ancien hôtel de ville, la Maison du Conseil, où nous assistons à une petite prestation d’une garde en costume d’époque avec hallebardes et trompettes. La cathédrale orthodoxe de la dormition de la Vierge, cachée au fond d’une cour nous accueille pour une petite visite. Après un rafraîchissement pris à une terrasse de café offert par Ariadna, nous déambulons dans les rues voisines, découvrant des bâtiments aux façades colorées et au style germanique, Tirant son nom des traces d’un incendie sur ses murs, l’église noire se dresse fièrement à proximité. En fin de journée, nous repartons en direction de Sinaia, station de ski très en vogue. Très heureuse de faire découvrir son pays à ses amies, Ariadna nous accompagne pour la nuit. A cinquante mètre de l’hôtel, un carrefour un peu particulier est étroitement surveillé par les flics. Je marque le stop, et comme la voiture qui arrivait était assez loin je passe le carrefour. Estimant que je les avais provoqués, les flics m’arrêtent. Il faut toute la force de persuasion d’Alexandru pour qu’ils acceptent de me rendre mon permis. Nous prenons possession de nos quartiers dans l’hôtel et allons dîner dans un petit restaurant plus loin. A l’issue, Radu emmène Charles et Constance en boîte pour leur faire découvrir cet aspect du pays, mais ils reviennent assez vite car ils n’ont rien trouvé. Cosmine, Radu, Christophe, Charles et moi passons un moment à bavarder autour de la bouteille du « petit-frère ». Cette fois, le sujet tourne plutôt autour de la motivation des jeunes à travailler durant leurs études. Nos sujets de discussion sont très divers et bien qu’arrosés de pálenka, ils sont intéressants.
Le château de Peleş étant très près de Sinaia, c’en est le but de notre visite du matin. Nous découvrons un château de conte de fée, perché sur sa colline dans un environnement de forêts et de montagnes. Avec ses tourelles, ses colombages et son style néo-renaissance allemand, ce château rappelle les origines germaniques de la famille royale. Construit pour le roi Carol I° et son épouse Elisabeth entre 1873 et 1883, étendu et rénové en 1914, ce superbe édifice comprend 160 pièces et est doté d’équipements à la pointe du modernisme : électricité, chauffage central, ascenseur, etc… Trois circuits de visite sont prévus, nous n’en feront que le premier qui dure 45 minutes et couvre seulement le rez-de-chaussée alors que les trois demandent près de deux heures de visite et couvre les trois niveaux. Nous en aurons cependant plein les yeux. Nous commençons par enfiler des chaussons par-dessus nos chaussures puis nous emboîtons le pas d’une guide parlant français. En passant par le hall d’honneur, la salle d’armes, le bureau du roi, la bibliothèque, le salon de musique, le salon mauresque, la salle à manger, le théâtre, nous sommes transportés dans une ambiance particulière, un autre monde. Nous sommes émerveillés par la qualité du travail du bois, les plafonds en caisson, les tapisseries, peintures et sculptures, vitraux inspirés des contes allemands et roumains, les mosaïques, les bronzes et les marbres de Carrare. La collection d’armes anciennes et orientales de la salle d’armes est unique et fantastique. Nous aurions bien continué la visite du reste du château tellement c’est fabuleux.
Après cette visite nous rejoignons Bran où pendant que nous faisons quelques courses pour pique-niquer, Cosmine et Radu partent brutalement sans nous dire au revoir : Cosmine vient d’apprendre que son oncle, malade, était décédé l’avant-veille et qu’il était enterré aujourd’hui même. Bouleversé, il est parti tout de suite. Confus, nous arrivons à le joindre par téléphone et à lui transmettre notre amitié et notre compassion. Nous nous garons au pied du château médiéval, pique-niquons et partons le visiter. Construit en bois en 1212 puis reconstruit en pierre après une destruction en 1377, il est passé entre diverses mains avant de devenir garnison autrichienne. Démilitarisé au 18°siècle, il est offert en 1920 à la reine Marie de Roumanie par la ville de Braşov à qui il appartenait. Elle en fit la résidence d’été telle que nous la découvrons. Elle le transmettra ensuite à l’une de ses filles, la ravissante princesse Ileana. Comme pour plusieurs châteaux de Roumanie, des responsables touristiques en ont fait la demeure de Dracula et les commerces avoisinants exploitent ce filon. Le circuit de visite permet d’avoir un bel aperçu de l’édifice et de la vie entre ses murs, très intéressant, mais après le château de Peleş, il fait bien sûr pâle figure. Des panneaux très instructifs racontent l’histoire des différents maîtres du lieu, de la légende de Dracula et de son auteur.
Nous repartons et faisons une halte à Sighişoara, ville médiévale fortifiée présentant quelques jolies maisons et édifices. Nous faisons un petit tour dans la vieille ville où nous assistons un peu à un concert dans l’église. La route nous conduit ensuite jusqu’à Turda où nous allons dormir. Nous arrivons dans un quartier en très mauvais état, routes défoncées, maisons délabrées. Nous nous demandons un peu où Alex nous emmène. Nous débarquons dans une maison qui de la rue ne paie pas de mine, voisine d’une maison bien délabrée digne d’un film de Dracula mais habitée, mais nous avons la surprise d’arriver dans un intérieur mignon, propre et bien entretenu. Nous allons à la pizzeria du coin pour dîner puis nous revenons nous installer. Ce soir nous veillons avec nos hôtes, très accueillants et chaleureux. Nous apprenons qu’ils sont témoins de Jéhova, ce qui inquiète les filles. Ils nous font remarquer que Christophe ressemble beaucoup au roi Michel I°, dernier roi de Roumanie, ce qui nous amuse beaucoup et donne l’occasion de boutades. Nos échanges se font en anglais avec le fils et en roumain par l’intermédiaire d’Alex avec les parents.
Le lendemain matin, Alexandru célèbre la messe sur une petite table au milieu du jardin, situation un peu paradoxale alors que nous sommes chez des témoins de Jéhova. Après le petit-déjeuner, l’hôte nous conduit très gentiment jusqu’à la mine de sel de Maria Terezia. Son exploitation a débuté en 1690 et elle a été fermée en 1920. Exploitée en forme de cloche jusqu’en 1880, pour une partie et en pyramide pour une autre entre 1873 et 1920, c’est une des plus ancienne mine de Roumanie. D'une profondeur de 120m par rapport à la surface, il y a 90 m depuis le balcon d’accès. Le diamètre du cône fait 70 m à la base, un lac d’eau salée s’y est formé avec une profondeur maximum de 8 m et une île de 5 m de haut sur laquelle des aménagements ont été faits. Au sommet du cône, deux trous correspondaient avec la surface, l’un pour l’accès, l’autre pour l’extraction des matériaux. Dans la grande salle en pyramide, des aménagements ludiques permettent aux visiteurs d’y passer des journées entières, l’air ayant un pouvoir curatif. Il y a une grande roue, des baby-foot, billards, ping-pong, piste de pétanque, etc… Une foule se pressant pour attendre l’ascenseur, nous empruntons les escaliers de bois pour descendre. Les différents paliers nous donnent une vision différente de l’environnement. Etroite et en forme de couloir au niveau du balcon supérieur, la salle est immense à la base. Pour accéder au lac, nous empruntons aussi l’escalier. Ces salles sont impressionnantes à voir, aussi bien du haut que du bas. Les couches de sel font de jolies marbrures sur les parois. Pendant notre séjour au bord du lac, Carmen, Constance, Charles, Joséphine et Patricia font un petit tour en barque. Nous remontons à la grande salle par un ascenseur, mais à la surface par l’escalier car il y a trop d’attente à l’ascenseur. L’air est frais mais pas trop, il y fait bon, mais en sortant nous sentons la chaleur nous écraser d’un coup, d’autant que les voitures étaient restées au soleil.
Sur les coups de midi, nous arrivons à Cluj-Napoca que Lavinia connaît bien car elle y a séjourné dans le cadre de ses formations. Nous allons prendre des sandwiches dans un fast-food où on les compose soi-même. Nous retournons aux voitures en faisant un petit tour. Nous reprenons la route vers Satu Mare où nous laissons Lavinia et Patricia, Armel et Véronique chez les parents de Lavinia, ils conduiront ces derniers chez Virgil le cousin d’Alex. Nous, nous rejoignons Turţ, le village d’Alex où nous devons dormir. Après avoir quitté la grande route, nous prenons une route de plus en plus défoncée. Notre arrivée au village se fait juste au moment du retour des vaches qui avaient passé la journée aux prés. Alex rentre dans le troupeau à grand renfort de coups de klaxon, je le suis mais plus calmement. Nous remontons ainsi tout le troupeau qui est interminable. Toutes les bêtes du village sont ainsi rassemblées le matin, conduites aux prés puis ramenées le soir. Au fur et à mesure qu’elles avancent dans le village, elles rentrent d’elles-mêmes directement dans leurs fermes.
Nous sommes contents d’arriver car nous sommes quand même fatigués et certains, ne s’étant pas méfiés et ayant mangé très épicés, avaient quelques soucis d’estomac. Nous sommes très gentiment accueillis par la sœur d’Alex, Maria, qui nous a préparé un bon repas : pomme de terre, concombre, cèpes, et viande. A l’issue du repas, Maria propose d’habiller Joséphine avec le costume traditionnel de sa fille Alexandra, différent de celui de Borşa, il est tout aussi beau et coloré. La famille S s’installe pour dormir dans l’appartement de Maria qui leur laisse, Charles et moi, nous allons dans l’appartement des parents d’Alex, dans le bâtiment voisin.