lundi 23 novembre 2009

Pheriche, Lobuche, coucher de soleil depuis le Kala Patthar

Sonam prend un peu de distance avec les allemands. Il m'a expliqué que leur guide a pris un peu ombrage de son ascendance. Sonam parle mieux l'anglais que lui, il connaît mieux la montagne que lui et il s'est rendu compte que les allemands
s'étaient rapprochés de Sonam pour lui demander des conseils. Il perd donc de son aura auprès des allemands. Sonam ne pensait qu'à rendre service. Pour éviter tout problème, nous partons de bonne heure du lodge.

Nous reprenons donc le chemin. Comme nous sommes à moins de 4000m, je ne ressens pas encore les effets de l'altitude et reprends sans problème mon pas de sénateur. Un pas j'inspire, un pas je souffle. Sonam m'a depuis le début donné ce rythme et finallement je m'y suis bien fait. Par contre, si en altitude je dois réduire le pas, Sonam quant à lui ne ressent aucun effet et garde toujours le même pas. On voit bien qu'il est du pays. Par contre aujourd'hui, il est un peu fatigué, il accuse sa nuit de fête. Le soir en arrivant au lodge, il dormira trois heures avant de faire surface.

Nous commençons par descendre au bord du torrent, puis nous remontons sur l'autre versant. Avant d'atteindre Pangboche, nous doublons un groupe de jeunes en costumes d'animaux. L'une des deux femmes m'explique en français que c'est un groupe de jeunes anglais qui soutiennent une maison qu'ils connaissent bien et qui soigne les malades d'Alzheimer. Afin de collecter des fonds, ils ont ouvert un site et on fait le pari de monter au Kala Patthar en costumes. Il y a un cochon (le trésorier), une vache, un cheval, une poule, une abeille, une grenouille, un perroquet. Même le guide népalais joue le jeu, il est déguisé en pinguoin. Ils mettent une ambiance bon enfant sur le chemin. Comme nous logeons dans le même lodge à Pheriche, elle me raconte que les enfants sont très amusés, que l'accueil des allemands, des anglais, des français est excellent, mais les espagnols ne comprennent pas la plaisanterie. Quand je leur ai dit que je tenais un blog et que je leur proposais d'y mettre un lien sur leur site, "la ferme de l'Everest", ils ont tout de suite accepté. Toutes les bonnes occasions de se faire connaître et de collecter des fonds sont à prendre. Donc si d'aventure certains lecteurs voulaient soutenir ce groupe très sympathique: à votre bon coeur, le lien est ci-joint.

Nous déjeunons à la terrasse d'un lodge à Pangboche, puis nous reprenons le chemin. Peu à peu nous nous élevons pour atteindre Pheriche à 4270m, le village où il y a un "hôpital". En fait, ce n'est qu'un dispensaire pour accueillir les trekkeurs ayant le mal des montagnes, mais il n'y a pas toujours de médecin. Nous passerons la nuit dans un gros lodge où il y a un cyber café. Comme à cette altitude l'électricité est solaire et les liaisons internet ou téléphone se font par satellite, la minute de liaison est à 20 roupies. Rien que pour consulter mes messages et en envoyer deux, j'ai passé 40 minutes! Cela m'a coûté 800 roupies, soit 8€! Voilà pourquoi, c'est silence radio pendant une bonne partie du trekk.

La nuit est très froide. Comme toujours, le lodge n'est pas isolé. Au matin, les vitres sont couvertes de glace, les plaques de contre-plaqué du plafond sont couvertes de condensation. Il doit faire -10°C environ dans la chambre. Dans les wc, le sol est verglacé et il faut casser la glace pour puiser l'eau. Là, pas de toilette, juste les dents! L'eau du pichet est gelée. Nous reprenons le chemin. Au passage, Sonam me montre le Tea-shop qui appartient à sa mère et où il a rencontré François Geachner il y a six ans. Le début d'une amitié et l'origine de notre rencontre! Le guide de François ayant attrapé le mal des montagnes parce qu'il buvait tous les soirs, François avait dû le redescendre à Pheriche. Alors qu'il essayait de récupérer une partie de la facture, le guide faisait celui qui ne comprenait pas l'anglais. Sonam s'est alors proposé de servir d'interprête. A l'issue de la transaction, François l'a embauché comme guide, etc....

Nous suivons la vallée qui remonte vers Lobuche, puis nous grimpons la moraine du Thokla Pass. Un pas j'inspire, un pas je souffle. Je commence à ressentir de nouveau l'effet de l'altitude. Au sommet de la moraine, un nombre important de petits mémorials de pierre se dressent. Sonam m'explique que c'est en mémoire des victimes de l'Everest et que celui de son grand-père y est. Il est mort lors d'une expédition en 1982. Il faisait partie d'une expédition canadienne. Lors d'un passage dans un couloir, une avalanche les a submergés. L'un des canadiens a été enseveli jusqu'au cou, mais il s'en est sorti. Il a essayé de dégager les trois sherpas qui l'accompagnaient, mais c'était trop tard. La mère de Sonam qui avait une vingtaine d'année et sa grand-mère ont été avisées de l'accident. Elles sont montées de Khumjung pour lui rendre les derniers hommages et l'incinérer sur place. Elles ont dressé le mémorial. Quand de retour à Kathmandou, Sonam a montré à sa mère les photos, elle en a été toute retournée.

Je demande alors à Sonam s'il y a un mémorial pour son père. Il me réponds que non. Il a fait des recherches, il a retrouvé le responsable de l'expédition, un belge, il l'a rencontré et celui-ci lui a raconté comment son père est mort. Lors de cette expédition belge il y a 22 ans, il faisait très froid, ils ont été pris dans une tempête. Le belge est redescendu péniblement avec la plupart des sherpas, mais son père était trop malade, il ne pouvait pas redescendre. Il est donc resté à l'abri dans sa tente. Mais quand les secours sont revenus pour le chercher, c'était trop tard, il était mort. Le frère de son père qui faisait partie de l'expédition, n'a pas annoncé tout de suite la nouvelle à sa belle-soeur, elle était enceinte et il y avait des histoires de jalousie. Quand elle a appris la nouvelle, son mari avait déjà été incinéré. Elle n'a donc pas pu lui rendre les hommages ni faire de mémorial.

Nous reprenons la route et suivons la vallée jusqu'à Lobuche. Le lodge où nous nous installons après cinq heures de marche est assez grand, et très rustique. Les chambres sont très rudimentaires, le sol est en dalles de terre recouvertes d'une feuille d'isorel. Les murs sont recouverts de toile pour cacher la misère. Le sol du couloir est en dalles de terre herbue. Un seul wc existe, dehors une "hot shower" ressemble plus à un wc qu'à une douche.

Le soir, il y a beaucoup de monde qui se presse autour du poêle pour se réchauffer. C'est très cosmopolite. Je fais la connaissance d'un coréen passionné d'histoire française. Il me pose beaucoup de questions sur Napoléon, la Révolution, etc... Très amusant. Il y a aussi des allemands, dont un qui est fortement intéressé par les photos du lever de soleil sur le Gokyo Ri. Des anglais, des espagnols, des italiens, des australiens se mèlent à la foule des porteurs et des guides. Je lie conversation avec des Israéliens qui me font des compliments sur mon anglais! Ils disent que je le parle bien! Je rigole! Je comprends de mieux en mieux, mais j'ai du mal à parler, je cherche mes mots.

La nuit sera TRES froide. Au matin, nous laissons le soleil monter et chauffer avant de prendre le chemin de Gorak Shep, le dernier village avant le camp de base. Nous laissons nos affaires au lodge, nous ne prenons que mon sac avec le strict minimum. Nous allons monter au Kala Patthar, le point culminant de mon périple pour assister au coucher du soleil. 5550m! Sur les coups de 10h, nous partons et rejoignons donc Gorak Shep. Nous y mangeons et attendons la fin de l'après-midi. Mais vers 15h, je fais remarquer à Sonam qu'il y a de plus en plus de nuages et que nous risquons de ne pas assister au coucher du soleil. Pour profiter au moins de la vue sur l'Everest, nous entamons la montée. L'effet de l'altitude se fait tout de suite sentir. Nous sommes à plus de 5150m. Je prends donc mon petit pas de petit sénateur: un pied j'inspire, un pied je souffle.... Et peu à peu nous nous élevons. Après une heure trente de montée, nous arrivons enfin au sommet du Kala Patthar. 5550m! Je ne pensais pas arriver si haut! J'avoue que j'en suis fier! Il y fait froid, la brume a envahi les monts autour de nous, nous ne voyons pas grand-chose, mais on patiente un peu. Finalement, peu à peu, cela se dégage. Et là, devant nous, de l'autre côté de la vallée, derrière le Nuptse .... le mont Everest! qui nous domine de ses 8850m! Dire qu'il a 3300m de plus que nous! Grandiose, magnifique. Finalement, contrairement à ce que nous craignions, le temps se dégage et nous avons une vue splendide. Nous ne sommes qu'une dizaine à jouir de ce spectacle. Les nuages sont en bas dans la vallée, sur Gorak Shep et plus bas. Nous assistons donc au coucher du soleil sur le toit du monde. Splendide!

Quand les derniers rayons du soleil ont disparu, nous entamons rapidement la descente. En un peu plus d'une demie-heure, nous arrivons à Gorak Shep. il fait nuit noire et très froid. Il devait faire -20° à -25°C là-haut au moment de descendre. Nous prenons donc le chemin de Lobuche dans l'obscurité, trouée par le petit faisceau de nos lampes frontales. La descente ne demandant pas trop d'effort, nous allons assez vite, sauf lorsque le chemin reprend de temps en temps de l'altitude pour franchir des moraines ou des rochers. Marchant d'un bon pas, nous ne sentons pas le froid. Nous marchons ainsi pendant près de deux heures dans l'obscurité totale: il n'y a pas encore de lune. On ne sait pas ce qu'il y a à droite ni à gauche: talus ou ravin? Qu'importe, je suis Sonam d'un bon pas. Finalement, au détour d'un rocher, on distingue faiblement quelques petites lumières: les lampes à faible énergie des lodges de Lobuche. Quand nous arrivons, il est presque 20h et les gens partent se coucher. Nous sommes bien réchauffés, mais mon sac est blanc de givre et ma doudoune aussi. Après un repas pris rapidement, nous allons nous glisser dans nos sacs de couchage glacés.

1 commentaire:

Francois GAECHNER a dit…

Je me souviens tres bien du Tea-shop ou j'ai rencontré Sonam ...il etait encore un adolescent il y a 7 ans. Incroyable les photos que tu as prises, c'est un homme maintenant!