jeudi 13 mai 2010

FATIMA

Je demande au tôlier de la pension ou je pourrais trouver un plan de l'itineraire vers Fatima. Il me conseille de suivre les personnes en gilet jaune de securite. C'est vrai que la veille j'en ai vu plusieurs qui traversaient la ville. Je n'ai vu qu'une fleche au sol "Caminho de Fatima": a la sortie de la gare. Depuis plus rien.
Partant a 9h30 et passant devant l'office de tourisme, je m'y arrete pour demander une carte des chemins, ils n'ont strictement rien. Je fais donc comme me l'a conseille le tôlier, je suis les pelerins en gilets jaune, ou plutot, je les double et ils me servent de balisage, remontant ainsi toute la colonne. Au debut, je suis amuse car je vois beaucoup de femmes qui ont mis des serviettes peroidiques dans leur chaussures, et j'en trouverai beaucoup d'usees (non usagees) au bord de la route. Nous suivons en permanence la nationale. Remontant peu a peu toute la colonne, je repere les groupes aux marquages d'identification sur le gilet. Le plus gros groupe vient de Paredes sous le parainnage OCDP. Les gens sont en tenues habituelles, jupes ou pantalon peu appropries, chaussures de ville, mais surtout beaucoup de tongues, de sandales plastiques ou de pantoufles. De temps en temps des basckets, mais des chaussures de marche hautes ou basses tres peu. Ils ne portent pas de sac ou un simple petit sac pour des affaires pour la journee. Tout au long du chemin, il y a des soutiens logistiques (Apoïos aos peregrinos): postes de soins ou des personnes soignent les pieds, les genoux, les brulures sur les jambes dues au frottement des vetements..... Je vois aussi beaucoup de vehicules distribuant bouteilles d'eau, fruits, casse-croutes. Comme on est au bord de la nationale et que je ne vois aucune fontaine, je beneficie de ce soutien et j'apprecie. Peu a peu, mon amusement se transforme en respect, puis en admiration vis a vis de ces gens car ils sont tres nombreux et quand je les double, beaucoup recitent le chapelet. Cela change totalement du Camino de Santiago, ce n'est pas du tout la meme ambiance. Ils avancent a petite allure et manifestement, beaucoup souffrent. Pour ma part, je fais figure d'extra terrestre avec mon sac a dos, mes bâtons et mon allure rapide.
J'arrive ainsi a 15h30 a Pombal, l'office de tourisme est ferme le lundi, je vais donc a l'hotel de ville ou j'apprends qu'il n'y a pas d'albergue pour les pelerins mais que quelque chose s'est installe au complexe sportif. Je m'y rends, c'est un bivouac pour les pelerins. Quand je demande s'il y a possibilite d´hebergement, on m'accueille gentiment et me montre un emplacement dans un hangar avec quelques feuilles de carton parterre. Avec mon dos, si je me couche directement sur le sol, je ne suis pas sûr de me relever le lendemain. Je demande s'il n'y a pas des matelas. Comme je suis seul, on me conduit vers le groupe OCDP ou un des responsables me repond qu'il faut attendre le responsable du groupe et comme il marche on ne sait pas quand il sera la. Je vais donc faire un tour des hotels pour essayer de trouver une chambre, mais je reviens bredouille, tout est complet. A mon retour, le responsable, un pretre, est arrive et m'accueille tres gentiment. Il me dit qu'il pense pouvoir me preter un matelas, mais il faut attendre que tout le monde soit arrive. Comme il parle le Francais, il m'explique que les gens marchent depuis cinq jours, qu'ils feront environ 250 kilometres en six jours. OCDP est un organisme caritatif au service des handicapes. Ils sont plus de 480 pelerins dans ce groupe. Il m'invite a attendre et me propose de diner avec eux. Il me met entre les mains de Jose et Mario qui me vendent un ticket repas et me proposent un siege. Comme Jose parle l'espagnol, nous bavardons un moment. Quand il me demande d'ou je viens et que je lui dis avoir fait 2400km en pres de 70 jours, il n'en revient pas. Nous sympathisons bien et il m'explique un peu comment se passe ce pelerinage qui se produit chaque annee. Beaucoup de pélerins le font tous les ans. A l'heure du repas, mario m'emmène à la popotte. Nous bénéficions d'un excellent repas fait sur des tripattes. Quand je revois le padre, il me dit qu'il me donnera un matelas après la messe car tout le monde n'est pas encore là. La messe a lieu à 22h30 dans le gymnase, au milieu des matelas et des gens installés. C'est cependant une très belle messe, très priante, chantée et qui se termine par une distribution par le père d'écharpe blanche et de chapelets. C'est finalement à 0h15 que je peux avoir un matelas. Je suis crevé! Je me couche et m'endors tout de suite bien que nous soyons plus de 700 dans le gymnase.
A 3h30, je suis réveillé par le premier groupe qui part, c'est celui que j'avais doublé en dernier. A 4h30, c'est le deuxième groupe qui démarre. Enfin, à 5h30, c'est le réveil du groupe de Paredes. Je me lève donc, fais mon sac et vais déjeuner. Je pars à 6h30, presque tous les portugais sont déjà partis. La veille, nous n'avons marché pratiquement que le long de la nationale qui va de Coimbra à Leiria. Il y avait un trafic intense, mais nous étions protégé par des rangs de balises. Beaucoup de camions ou d'automobilistes nous saluaient par des coups de klaxon. La file s'étalait à perte de vue. Aujourd'hui, nous quittons rapidement la nationale pour prendre des petites routes ou des chemins carrossables. C'est plus sympathique et moins pénible. Je suis de nouveau repéré et beaucoup m'interpellent mais je ne comprends pas, ils parlent portugais. Mais leur appel est chaleureux et interrogatif. Quand ils voient ma coquille sur le sac, ils comprennent vite. A un moment, je double un couple de jeunes français de la région parisienne qui fait le pélérinage avec les portugais. Je ralentis et nous bavardons un moment. La famille de la jeune femme est d'origine portugaise, son grand-père a fait le pélérinage durant 30 ans. Elle me cite de nombreux cas: une femme de 80 ans le fait tous les ans depuis 40 ans. Je suis de plus en plus admiratif et je me prends d'affection pour ce peuple qui exprime ainsi sa foi. A 10h00, je passe à l'étape du repas de midi de OCDP, je prends un casse-croûte et continue. Tout le long du chemin, je bénéficie ainsi du soutien logistique qui est bien organisé: eau, casse-croûte... Vers 11h, je rattrappe le groupe parti à 3h30 et bientôt, je me retrouve en tête avec peu de pélerins devant moi. En fin de matinée, le temps se gâte et la pluie nous surprend 5km avant Fatima. Arrivant à 13h30 a Fatima, je ne vais pas à l'auberge des pélerins car je suis persuadé qu'elle sera pleine. Je commence tout de suite a chercher une chambre dans un hôtel. Le père m'a bien proposé de me donner un matelas, mais j'ai besoin de me reposer et de faire de la lessive. Dans le gymnase, ce n'est pas possible. Après quelques hôtels pleins dont un qui me propose les trois nuits pour 200 euros(!), je trouve un hôtel 3 étoiles qui me propose une petite chambre pour un prix très correcte. Je m'y installe, d'autant que je suis à 200m du sanctuaire. On ne peut pas trouver mieux. Après ma douche, je profite du chauffage pour faire une bonne lessive et mettre mon linge à sécher. Depuis une semaine, j'ai dû limiter les lessives, le temps et les conditions n'étaient pas favorables.
Comme il y a une messe à 18h30, une heure avant je vais faire un tour au sanctuaire pour me recueillir et visiter un peu. La messe, très belle, est dans la nouvelle basilique, il y a beaucoup de monde. Après l'office, j'avise des pélerins d'OCDP, je leur demande où ils sont installés. Je rejoins leur bivouac car je tiens à remercier le padre pour leur accueil et lui faire part de mes sentiments: je suis profondémment touché et admiratif. Je lui demande son adresse internet car je tiens à lui envoyer quelques conseils aux pélerins pour diminuer les souffrances inutiles. Ils ne connaissent pas les principes de base pour limiter les ampoules, les tendinites, douleurs articulaires, etc... Notre échange est très chaleureux et il m'invite à me joindre à eux dans le futur. Pourquoi pas! A la fin de notre entretien, je suis interpellé par deux journalistes de Visao qui ont suivi le pélerinage avec le groupe OCDP. Ayant eu connaissance de mon périple, ils veulent m'interwiever. Ils ont trouvé une portugaise qui parle couramment le français, ayant vécu en France. Durant plus d'une heure je réponds à leurs questions et leur explique mes motivations.
De retour à l'hôtel, je dîne puis je me couche. Je suis crevé. Je dors comme une masse et ne me lève pas une fois. A 6h, je me réveille car le père m'a invité à me joindre à eux pour faire le chemin de croix. Le rendez-vous est à 6h30 à la chapelle des apparitions. Je ne comprends pas les textes ni les commentaires, mais je suis le groupe et prie avec eux. Cela fait bien longtemps que je n'en avais pas fait un.
Je rentre rapidement à l'hôtel pour déjeuner et à 9h je suis de nouveau à la chapelle des apparitions: il y a une messe en français. C'est une messe avec quatre évêques et de 30 à 50 prêtres. Cette messe est très belle, émouvante, surtout quand à la fin il y a le chant "J'irai te voir Marie": superbe, je me sens profondément touché, bouleversé... Je suis bien.
De retour à l'hôtel, je fais quelques courses et je recherche les horaires de train: c'est une vraie galère! Que ce soit à l'office du tourisme ou dans les agences de voyages, impossible de trouver les informations. Finalement, c'est sur internet que je trouve, mais péniblement et sans avoir de prix. Fatigué, je mange rapidement dans un petit restaurant, puis je vais faire une sieste. Je dors profondément et n'arrive pas à me lever pour aller à la procession du Saint Sacrement.
Je rejoins le sanctuaire à 16h30. Il y a déjà beaucoup de monde. Nous attendons la venue du Pape. Nous suivons ce qui se passe sur le terrain d'atterrissage grace à de grands écrans. Finalement, l'hélicoptère du Pape arrive, fait un survol de l'esplanade sous les ovations du peuple puis va se poser plus loin. Nous suivons toute son approche grace aux grands écrans. Quand il entre sur l'esplanade, c'est un accueil très chaleureux qu'il reçoit. Les acclamations et les chants superbes d'un choeur d'enfants repris par la foule montrent l'attachement des pélerins au successeur de Pierre. Le Pape se recueille devant la statue de Marie à la Capelinha puis ouvre officiellement les cérémonies. C'est encore très profond et émouvant, les participants sont attentifs et recueillis, les chants sont superbes.
En repartant, je croise deux pélerins de St Jacques que je repère à la calebasse accrochée au sac. Ce sont deux mexicains de Guadalajara: Javier et Estrella. Nous bavardons un moment ensemble.
Je retourne dîner et me reposer un moment à l'hôtel avant le chapelet de 21h30. Quand je reviens, l'esplanade est couverte de monde, c'est une mer d'étoile qui couvre l'esplanade. c'est magnifique et impressionnant. Il y a plus de monde que dans l'après-midi. c'est difficile de circuler. Le Pape lance le chapelet, il entame les prières en latin et l'assistance lui répond, chacun dans sa langue. Au Gloria tout le monde le chante en latin en levant son lumignon, puis des chants alternent avec les dizaines de chapelet. Chants superbes, repris en choeur par les portugais: un choeur de centaines de milliers de voix! La soirée est superbes, émouvante, profonde.
Suit ensuite la procession qui va conduire la statue de Marie de la capelinha (chapelle des apparitions) à l'autel extérieure au pied de la basilique, en vue de la messe internationnale. La procession commence par les drapeaux et bannières, multiples et innombrables suivies des nombreux évèques, plusieurs dizaines, puis les prêtres encore plus nombreux, plusieurs centaines. Enfin, suit le palanquin couvert de fleurs de la vierge Marie. Marie, petite et frêle comme une toute jeune fille, elle remonte et fend la foule au pas lent des porteurs. Elle semble si fragile et pourtant, elle est acclamée, chantée comme notre mère, notre reine. Marie, voit comme tes enfants t'aiment et t'acclament. Elle domine tout juste la foule et remonte ainsi toute l'esplanade, les chants sont splendides et repris par toute la foule immense, pieuse et en adoration. C'est profondément émouvant. On ne peut rester insensible à ce qui se passe. Ce fut une soirée profondément touchante.
Comme il est déjà minuit et que je suis allé à la messe le matin, je vais me coucher.
Je me lève à 6h et vais faire un tour à la chapelle des apparitions il y a déjà beaucoup de monde. Je suis impressionné par les pélerins portugais qui descendent toute l'esplanade sur les genoux pour aller prier à la capelinha. Certains souffrent manifestement mais poursuivent leur chemin. Je me recueille un moment et retourne à l'hotel pour déjeuner.
De retour à 10h pour la messe avec le Pape, l'esplanade est déjà noire de monde. Certains ont même dormi sur place. il est plus difficile de se déplacer que la veille. Encore une fois, la cérémonie est superbe et agrémentées de chants magnifiques. Au moment de la communion, de nombreuses ombrelles se sont dispersées le long de l'allée centrale avec le prêtre distribuant la communion. Je me suis donc peu à peu rapproché, mais à partir de la moitié du chemin, le déplacement se fait de plus en plus difficilement. Je vois les ombrelles partir une à une. Je me résouds donc à une communion d'intention, mais certaines reviennent et la distribution reprend. Certaines feront la navette plusieurs fois avec l'autel. J'avance peu à peu mais péniblement: 8m, 6m, 5,50m, 4m, 3m,.... le temps passe et je crois que je ne pourrai communier. Finallement j'arrive à me glisser vers un des derniers prêtres qui partage ses dernières hosties pour en donner un petit bout à chacun. Je suis privilégié et peut en recevoir une parcelle. La distribution de la communion a duré près d'une heure.
De retour à l'hôtel, je déjeune et libère ma chambre. Ayant quelques heures à attendre le car qui doit m'amener à la gare, j'en profite pour mettre à jour mon blog.
Ces quatre jours passés avec les pélerins portugais et le Pape ont été profondément marquants et touchants. Je suis heureux d'avoir pu y participer et venir déposer aux pieds de Marie toutes mes intentions en cette occasion unique et exceptionnelle. Je repars le coeur plein de joie et d'espérance en ayant hâte de retrouver Marie à Lourdes. Je viens de découvrir que ce sera le Pélérinage Militaire International. Encore un évènement marquant.

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