L'accueil m'a donné une chambre pour deux nuits, après il n'y aura plus rien de disponible pendant deux nuits car le diocèse de Grenoble a tout réservé. Comme cela fait vingt ans que j'ai vécu un temps très fort ici, expérience qui a bouleversé ma vie, je voudrais passer le week-end ici pour fêter ces vingt ans. A force de discussion, ils ont accepté de me donner une place au gîte, genre de grand garage sombre transformé en gîte d'accueil. C'est très sommaire, mais cela me suffit. Je suis prêt à dormir sur un matelas dans un placard à balais. Au bout du compte, je resterai les quatre jours comme souhaité mais je ne passerai qu'une nuit dans un dortoir et non pas au gîte, et quatre dans une chambre. Tout s'est bien arrangé finalement.
J'aime beaucoup La Salette, d'une part en raison de cette Rencontre que j'ai vécu il y a vingt ans, Rencontre qui a tranformé ma vie, mais parce que c'est un lieu de paix et de ressourcement incomparable. Il faut vouloir monter jusque là, c'est tellement haut et raide. Je suis bien placé pour le savoir! La nature est sauvage, magnifique, pure désertique, cela inspire à la contemplation et à la méditation. Je partagerai mon temps entre des temps de réflexion face à la vallée ou au coeur du vallon des apparitions, les offices, l'écoute du message de la Salette, des rencontres avec d'autres pélerins ou des bénévoles au service du sanctuaire. Je fais en particulier connaissance avec Florence une jeune femme suisse de 30 ans qui vient chaque année se ressourcer ici. Cette année, elle est accompagnée d'une de ses cousines de 74 ans. Poête à ses heures, elle écrit des poêmes et monte de superbes diaporamas magnifiquement illustrés et les met sur internet pour partager ses méditations spirituelles. Un lien avec ses oeuvres se trouve dans la partie droite de mon blog, cela mérite un détour. Nous avons passés de bons moments d'échanges ensemble. Très généreuse, Florence avait amené 10kg de chocolat suisse pour les bénévoles du sanctuaire, elle m'en donne trois tablettes pour me donner du coeur à la marche... Au gîte, j'ai aussi rencontré deux routards atypiques: Francisca et Dominique. Francisca, femme de quarante ans, scrétaire, elle a tout quitté après un accident cérébral. Sa fille fait des études d'ingénieur à Lyon, son compagnon vit à Annecy. Quant à elle, elle fait la route entre différents hauts lieux religieux: Lourdes, La Salette, ND du Laus, Paray le Monial, Taizé... C'est au cours de ses vadrouilles qu'elle a rencontré Dominique, pélerin perpétuel, marginal en révolte contre le cadre structuré de la vie, imprégné de lectures franciscaines et de psychanalyse. Nos échanges sont très sympathiques, mais on sent leur révolte d'autant que l'accueil cherche à les éloigner durant le week-end. Je passerai aussi quelques heures à tracer ma route sur mon GPS jusqu'à Besançon. Comme c'est le pélérinage diocésain de Grenoble ce week end, je bénéficie des cérémonies et des manifestations organisées pour les pélerins grenoblois. En particulier, le samedi soir, la veillée est animée par des jeunes qui ont vécu le JMJ de Madrid. Ils apportent leurs témoignages et montrent des montages. On les sent enthousiastes, heureux, fougueux. C'est beau et plein d'espérance.
Ces quatre jours de calme, de repos et de méditation rafraîchissent et nourrissent cette Paix que j'ai reçue ici il y a vingt ans. C'est reposé et heureux que je repars le lendemain matin. Je quitte le sanctuaire après avoir assisté à la messe et aux laudes. Je passe à la source faire le plein de mes gourdes d'eau puis grimpe le sentier qui conduit au col d'Hurtières puis aux tunnels. Ce chemin est impressionnant car la pente est si forte que des tunnels ont été creusés dans la roche pour faire passer le sentier. Il ne faut pas avoir le vertige, mais c'est magnifique. La vue sur la vallée de Valbonnais est grandiose. Pendant un bon moment le sentier suit la ligne de crête donnant ainsi un beau panorama permanent.
A la croix du Rocher, au-dessus du village de Valbonnais, je fais la pause casse-croûte du midi. La vue est splendide. A la redescente sur La Mure, les travaux forestiers ont remanié les chemins et je manque le sentier. Je tourne un peu dans les taillis avant de retrouver le bon chemin. Mis à part cela, le chemin d'aujourd'hui est beau et agréable. J'arrive à La Mure vers 17h. je m'installe dans un petit hôtel, douche, lessive, etc... puis je me rends au superU voisin pour faire un peu de ravitaillement. Après un peu de repos, je me rends compte que mon talon gauche est douloureux. Certes j'ai une ampoule, mais ce n'est pas elle qui me gêne, c'est plus profond. Pour aller faire les courses, je ne pose pas le talon au sol. Après un dîner dans un petit restaurant, je rentre me coucher. Marc, le fils d'un ami, m'a appelé sachant que je passe à Grenoble et me propose de m'accueillir. Mais comme ils ont deux réunions le soir de mon passage, je décline son invitation, je les gênerais plus qu'autre chose.
Debout à 6h cette fois, je pars à 7h20 après le petit-déjeuner. Après avoir étudié la carte, plutôt que de prendre des chemins qui me rallongent de trois kilomètres, je décide de suivre la route Napoléon qui est toute droite jusqu'à Laffrey. Mon talon est douloureux ce matin et ne m'incite pas à faire des excés. Les bas-côtés sont très larges et me permettent de marcher en sécurité. A Laffrey, après avoir achèté du pain et fais le plein d'eau, je prends une petite route qui évite la grande côte. Au bout d'un kilomètre, un sentier me permet de descendre dans la vallée à travers la forêt. Le chemin est beau mais à certains moments il est raide et plein de galets qui sollicitent durement mon talon. Dans le fond de la vallée, je longe le mur du parc du chateau de Vizille et m'arrête à l'entrée de la ville pour pique-niquer. Comme mon talon me fait souffrir de plus en plus, je troque mes chaussures de marche contre mes sandales. Cela ne supprime pas la douleur mais l'atténue car elles sont confortables. A la sortie de Vizille un sentier me conduit sur un plateau où je retrouve une route toute droite jusqu'à Tavernolles. Là un autre sentier m'amène à travers la montagne jusqu'aux portes de la banlieue de Grenoble en évitant les routes. Je fais une pause pour appeler un Formule 1 qui m'annonce qu'ils sont pleins mais qu'il y a deux autres hôtels du même type dans le coin. Compte tenu de l'heure et de cette réponse, je prends un bus qui me fait faire trois kilomètres dans la banlieue et m'amène à proximité des hôtels. C'est finalement dans un 1° Classe que je trouve une chambre, mais il n'en restait plus beaucoup. Après les activités d'usage, je vais prendre un dîner dans un Hippopotamus voisin. Mes déplacements se font sans poser le talon.
Après une bonne nuit de récupération, je repars vers 7h15 en pleine forme si ce n'est que mon talon me chagrine. J'arrive peu à peu à le poser au sol et au bout d'un moment je ne le sens presque plus. Je peux ainsi faire toute ma journée de marche par les chemins le long de la digue au bord de l'Isère, mais quand je m'arrête ne serait-ce qu'une ou deux minutes, le redémarrage est difficile. Je rejoins donc les bords de l'Isère qui sont tout proches de l'hôtel et prends la piste cyclable. Au petit jour, les effets de brume sur la rivière au lever du soleil sont très beaux et je prends quelques photos. Le chemin traverse des zones maraîchères, la campagne est belle et paisible mais on entend en permanence le bruit des industries et de la circulation dans la vallée. Ce n'est pas le calme des montagnes. Le chemin est agréable relativement ombragé, ce qui fait que je ne souffre pas trop du soleil. A midi, la pause se fait près du pont de Brignoud, confortablement installé sur un banc à l'ombre. Un couple de cyclistes répond gentiment à mes questions. Il ne doit pas y avoir d'autre hébergement qu'un gîte de France à Goncelin, et dans le coin, il n'y a pas grand-chose. Des appels téléphoniques dans l'après-midi me le confirmeront et me permettront de réserver une chambre au gîte où j'arrive à 17h15. Après les gestes traditionnels je m'enquiers d'un lieu pour dîner. Malheureusement après un petit tour du village en boîtant, je me rends à l'évidence qu'il n'y a rien. Les deux malheureux restaurants sont fermés et le camion pizza sur la place annonce deux heures d'attente. Heureusement que dans mon sac j'ai un sachet de riz et des soupes en sachet. Pour ce soir, cela fera l'affaire avec une banane qui me reste. Goncelin est un joli petit village médiéval qui eu ses heures de gloire il y a quelques siècles quand la frontière était proche alors que la Savoie était italienne, mais maintenant c'est un village dortoir pour les gens qui travaillent à Grenoble.
En repartant ce matin à 7h, je ne sais pas jusqu'où j'irai car j'ai très mal au talon. Je marche avec les sandales car mes chaussures n'arrangent pas mon mal. A la sortie du village je fais un test en mettant les semelles intérieures des chaussures dans les sandales. Cela atténue un peu la douleur mais ce n'est pas la panacée. Je fais quand même 15 kilomètres pour aller jusqu'à Pontcharra, mais pratiquement sans poser le talon. Fatigué, je jette l'éponge et rejoins la gare. Un train passe dans deux heures pour Chambéry. De là je pourrai rejoindre Besançon. Mais après une heure d'attente, je constate que je ne sens plus mon talon, je décide donc d'aller jusqu'à Chambéry par le train car il reste 20 km et d'attendre le lendemain matin pour prendre ma décision. Je rejoins donc Chambéry et la communauté des Capucins chez qui j'avais trouvé accueil. Arrivant vers 14h chez eux, je me repose un peu et soigne mon talon. Vers 16h je vais déposer au bureau de poste voisin des effets dont je n'aurai plus besoin ayant quitté les montagnes, cela allègera un peu mon sac. Plusieurs fois, malgré le repos, des lancements dans le talon me font souffrir. Je participe aux vêpres puis dîne avec les trois pères de la communauté. Nos échanges sont très chaleureux et conviviaux. Je me couche de bonne heure et passe une bonne nuit.
Le lendemain, vendredi, en me levant mon talon est toujours sensible. Après l'office de Laudes et le petit-déjeuner, je prends congé des pères et me dirige vers ma prochaine destination. Un kilomètre plus loin, passant devant la gare, je prends la décision de rentrer chez moi, mon talon est toujours aussi douloureux. Je ne me vois pas faire les 28km de l'étape dans ces conditions. Par ailleurs, Chambéry est le meilleur endroit pour rejoindre Besançon. Après, il faudra combiner avec les bus et certainement revenir ici. Je prends donc le train et rejoins mes pénates.
Une visite chez le médecin confortera ma décision d'arrêter, je me suis fait une aponévrosite plantaire, une inflammation du tendon d'achille sous le talon. Après quelques jours de repos et les soins adaptés, je pourrai repartir et finir quand même mon périple, il ne me reste qu'une petite semaine de marche. Je devrais y arriver!
1 commentaire:
Mon cher François,
C'est toujours avec un grand plaisir que je lis les récits de tes journées de pélerinage. Ta plume me transporte sur les chemins avec toi, j'y retrouve la chaleur, l'humanité, les rencontres et l'apaisement que j'ai pu vivre sur le chemin il y a 18 mois déjà. Je pense fort à toi et s'il te plait prends soin de ce talon...!
Caroline
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